Haïti débat / Le comportement des acteurs politiques en Haïti : Nous devons passer du stade de caïds au stade de chefs d’État et d’hommes politiques, lance Michel Soukar
Depuis les événements du 7 février dernier, le néologisme « Pays Lock », introduit pour porter le président de la République à la démission, s’installe dans le discours haïtien. Attaché farouchement à son quinquennat, le chef de l’État n’a, jusqu’à date, pas lâché prise. En vue de miner la résilience de Jovenel Moise, une nouvelle méthode, un nouveau moyen de lutte, une toute autre expression a vu le jour dans le milieu haïtien. De pays lock, nous sommes passés maintenant à la formule « Pays zippé ». Les protagonistes ont adopté cette mesure pour en finir avec la résistance féroce du président, en ignorant la grande souffrance qu’endure la population.
Devant ce constat regrettable, l’historien haitien Michel Soukar a souligné l’échec de la classe politique haïtienne. Autant que les politiciens traditionnels haïtiens, pour le professeur, cette situation de crise, qui règne dans le pays depuis tantôt un an, témoigne du fiasco de la communauté internationale en Haïti qui ne l’a pas su stabiliser durant plus de dix ans avec la MINUSTAH et qui vient de nous envoyer une nouvelle mission en catimini, le BINUH, le 16 octobre dernier.
Michel Soukar a dressé un tableau embrumé de la situation politique du pays qui se répercute comme un tentacule sur toutes les sphères de la vie nationale. Le sénior journaliste a censuré le comportement des acteurs haïtiens tout en nous proposant des recommandations, lors de la retransmission de l’émission Haïti débat du mardi 29 octobre 2019.
Le président a perdu toute sa légitimité. Il a perdu le contrôle de l’ensemble du territoire national. La population se désolidarise largement avec lui. De son côté, l’opposition institutionnelle est divisée. Elle n’a pas un discours probant au même titre que le chef de l’État. Les leaders ne sont pas crédibles. Leur incrédibilité créé un grand vide sur l’échiquier politique. C’est ce qui explique la présence, jusqu’à nos jours, de Jovenel Moise sur le pouvoir.
Le pays se soumet à la loi de la jungle. L’opposition institutionnelle sans projet, sans crédit ne peut conquérir le pouvoir. En dépit de tout, nous avons encore de l’opportunité pour trouver une solution à l’haïtienne.
L’international, pour sa part, laisserait la situation se dégénère jusqu’à son irréversibilité pour nous imposer sa propre solution. Nous sommes à 1 heure 40 de Miami. Les terroristes vivent de l’instabilité. Ils peuvent profiter de cette situation en Haïti pour s’infiltrer aux États-Unis. Si la situation perdure, les américains vont débarquer. Mais ils ne vont pas débarquer de la même manière qu’en 1915.
Nous n’allons pas sortir dans le carcan dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui avec un idéal dessalinien, mais de préférence louverturien. Le moment n’est pas dessalinien, mais louverturien. Nous devons adopter la méthode de Toussaint Louverture, non pas celle de Dessalines. Nous devons nous sortir du stade de chefs de bande pour devenir des chefs d’État, des hommes politiques. La politique ne consiste pas à laminer un pays mais à l’organiser de façon à ce que l’on puisse permettre au peuple de devenir heureux. La politique, c’est d’apprendre à son peuple à vivre ensemble. Elle doit cesser d’anéantir le pays.
De même que Jovenel Moise, les protagonistes de l’opposition se comportent en caïd. Ils ne visent que leurs intérêts personnels ou du moins de leur groupe. Si nous continuons de maintenir ce genre de comportement, nous allons tout droit vers un chaos généralisé. Dans les situations de chaos généralisé, c’est le fanatisme qui prévaut.
Nous devons construire le pays. On n’arrivera pas à le construire sans le savoir, la science et l’avoir. Il ne peut y avoir de progrès sans le savoir. Nous n’avons qu’un héritage. Il s’appelle Haïti. Nous devons cesser de la détruire en ne protégeant que nos intérêts mesquins. On ne fait pas de la politique pour soi, mais pour les enfants et la postérité. Nous devons apporter une nouvelle vision sur la scène pour le bonheur du pays. Haïti était un pays de référence. Nous étions le pays du droit de l’homme. « Voilà pourquoi je ne me suis pas accordé à Jovenel Moise quand il s’était associé aux américains contre le Venezuela », s’est indigné Michel Soukar.
Mozard Lombard,
Journaliste/Rédacteur de la Radio Télé Scoop,
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