Barack Obama dit « Salam alikoum » au monde musulman
Dans son discours du Caire, le président américain a souhaité tourner la page de l’ère Bush.
Aymane al Zaouahri, le numéro deux d’Al Qaeda, avait invité par avance les Egyptiens à ne pas se laisser séduire par les « propos raffinés » du « criminel Barack Obama ». Il avait raison d’en avoir peur, car le président américain a prononcé jeudi au Caire un discours qui, au moins en paroles, tourne fermement la page de l’ère Bush, et tend la main avec respect et humilité au monde musulman.
Sur le conflit israélo-palestinien, sur l’Irak, sur la « guerre contre le terrorisme » (Guantanamo fermera début 2010, a-t-il promis), sur la croisade démocratique, il a pris le contrepied de la politique suivie par les Etats-Unis au cours des huit années précédentes, prononcé une esquisse d’autocritique au nom de l’Amérique, et tracé une feuille de route qui, si elle est suivie, pourrait transformer le Moyen Orient en quelques années.
Il a été moins convaincant, assurément, sur l’Afghanistan et le Pakistan, où les Etats-Unis n’ont que de mauvaises options, et une stratégie fragilisée par de mauvais alliés locaux. Idem sur l’Iran et le nucléaire, sujet qu’il a évoqué rapidement, sans doute pour ne pas trop peser sur l’élection présidentielle iranienne qui se déroule dans quelques jours à peine. Ou encore sur le soutien de l’Amérique aux élements les plus rétrogrades comme le pouvoir saoudien ou la mosquée Al Azhar, associée à l’événement de jeudi à l’Université du Caire.
C’est sur Israël et la Palestine qu’il était le plus attendu, et qu’il a le plus promis. Il a réaffirmé son engagement en faveur des deux Etats, contre la poursuite des colonies juives en Cisjordanie, et s’est personnellement engagé à favoriser un règlement au cours des prochaines années. Il a même appelé directement les islamistes du Hamas, dot il a reconnu qu’ils bénéficiaient d’un certain soutien populaire, à abandonner la violence et à reconnaître Israël, et invité l’Etat hébreu à accepter un Etat palestinien et à permettre à Gaza et à la Cisjordanie de respirer économiquement.
Il prend évidemment un pari de taille, dans la mesure où l’actuel gouvernement israélien, le plus à droite de l’histoire de l’Etat hébreu, a déjà rejeté la position américaine sur la colonisation, et n’est certainement pas pressé de voir émerger un Etat palestinien à côté d’Israël. Pari aussi du côté palestinien, avec une Autorité de Mahmoud Abbas faible et discréditée, et un Hamas qui ne lachera pas ses positions sans fortes contreparties.
Mais nul ne s’attendait à ce que ce discours change la donne d’un seul coup après des décennies de conflit, des siècles de méfiance ou d’hostilité. Ce qu’il a réussi à faire, assurément, c’est donner un signal fort d’inversion des messages, avec quelques mots d’arabe, des citations bien choisies du Coran, un respect maintes fois réaffirmé pour une religion perçue par de nombreux Américains comme l’« ennemi », tout en restant ferme sur les liens des Etats-Unis avec Israël, sur la lutte contre ceux qui ont recours à la violence, ou sur la démocratie – même s’il ne cherche plus à l’« imposer » mais seulement à la « soutenir »…
Le capital sympathie personnel du Président sera assurément en hausse dans le monde arabo-musulman, même si chacun sait que les actes compteront plus que les « propos raffinés » d’un président parvenu à effacer en si peu de temps l’image de cowboy de son prédécesseur, et redonner un visage souriant à une Amérique que beaucoup s’étaient habitué à détester.