Haïti dans le linceul du mondial de 1974
La participation de la sélection haïtienne de football au mondial de 1974 fut un évènement sportif majeur sur le plan national. Consécration régionale, reconnaissance internationale pour une génération de joueurs talentueux soutenus par des dirigeants de métier et habités par l’idée de résultats.
1974 : Haïti fait son entrée sur la scène mondiale du foot.
1974 : En Allemagne, Haïti était venu dire au gratin du football mondial : « Je joue au ballon rond, j’existe.»
1974 : Couronnement d’un long travail de préparation. Le travail qui pousse à se mesurer aux autres pour mieux s’évaluer. Sur la liste : Les Etats-Unis, le Mexique, le Chili, l’Equateur, l’Argentine. Face à ces pays, Haïti savait faire jeu égal ou presque. La sélection nationale avait affiché un football en constante progression. Le jeu était fait de victoires, de défaites et de scores nuls, mais il y avait toujours honneur dans chaque rencontre disputée.
La sélection nationale avait battu le Honduras, 3-1, le 22 novembre 1971 ; Trinité-et-Tobago, 6-1, le 28 novembre 1971 ; Porto-Rico, 7-0, le 15 août 1972. Haïti avait gagné aux dépens de la Colombie, 2-1, le 29 mai 1973 ; face aux Etats-Unis, 1-0, le 3 novembre 1973 ; face au Canada, 5-0, le 5 novembre 1973. Victoire de la section nationale sur celle de l’Uruguay, 1-0, le 23 mai 1974. Haïti savait forger ce qui était possible suivant la logique du jeu sans se couvrir de ridicules.
Depuis 40 ans, le pays fanfaronne sur un but d’Emmanuel Sanon contre Dino Zoff tout en feignant d’oublier que lors de ce mondial allemand, la sélection nationale avait ramassé 14 buts dont une cinglante défaite 7-0 contre la Hongrie, le 19 juin 1974. 14 buts encaissés pour 2 buts marqués. Tant que l’on continuera à faire le fier pour la victoire de Sanon sur Zoff, tant que l’on continuera à se cacher la vraie histoire de la participation haïtienne au mondial de 1974, les trois défaites enregistrées, les 14 buts empochés, l’on ne pourra nullement sortir du linceul allemand. Un suaire demeure un suaire, qu’il soit saint ou pas.
Il nous faut saluer l’épopée d’Emmanuel Sanon, de Marion Léandre, Philippe Vorbes, Guy St.-Vil, Pierre Bayonne, d’Arsène Auguste Pelao et leurs coéquipiers. 40 ans après, le pays reste durement fier d’eux, mais eux, le sont-ils des 40 dernières années de gestion du football.
Cessez de faire de la participation haïtienne au mondial de 1974 une gloriole. A vouloir trop la gonfler, on finit par plomber le foot haïtien. Pour s’être cramponné au passé, on oublie qu’il y a un présent à travailler en vue d’un avenir que l’on voudrait meilleur. Pour le foot, et pour tout autre sport, il nous faut de la formation et de l’investissement. Une vraie politique publique. Les nations avancent en multipliant les faits de gloire, sinon elles se limitent dans l’histoire en fabriquant leur propre fin de l’histoire.
La participation haïtienne au mondial de football de 1974 a terminé là où elle avait commencé.
On a 40 ans à rattraper.
Idson Saint-Fleur
saintfleuri14@yahoo.fr
idsonsant1977@gmail.com
(P.S. : Page retrouvée – Texte de la rubrique « Le Courrier de Fond-Rouge » lu sur les antennes de Scoop FM le 24 juin 2014)