LES TRANSITIONS DE GOUVERNEMENT A PARTIR DE 1956
Il y a plus de deux mois depuis l’Ing. Dejean Bélizaire a présenté cette communication sur les transitions de gouvernement en Haïti à partir de 1956. En raison de la situation actuelle marquée par la marche inévitable vers le 7 février 2011, aussi après la participation, ce mercredi 5 janvier 2011, de M. Bélizaire à la rubrique ‘’ Article 19 ‘’ sur Scoop FM, la rédaction juge utile de contribuer à une plus grande diffusion de ce texte. Pour l’histoire !
Révérends Pasteurs
Mesdemoiselles, Mesdames et Messieurs
Sollicité par l’étudiant finissant en Génie Civil de l’Université GOC, Joas ARISTILDE de partager avec vous mon expérience des transitions de gouvernement pendant la période qui s’étend de l’avènement de Duvalier à nos jours ou mieux de 1956 à nos jours, c’est de bonne grâce que j’ai souscrit à la demande de cet étudiant. Notons en passant que ce jeune depuis cinq ans qu’il est à GOC s’est toujours signalé pendant son parcours à l’Institution par son sérieux, son leadership, son application aux études et un sens de responsabilité dont il a toujours fait montre, dans des circonstances parfois qui font reculer bien d’autres dont la force de caractère est bien moins trempée… Je suis très honoré de la suite donnée à cette invitation par les dignitaires de l’Eglise de DIEU MISSION EVANGELIQUE DE LA DERNIERE HEURE, le Révérend Pasteur Ernst Joseph, Mr Noé Lamarre et Esther Claude Exantus et je suis très heureux d’être avec vous ce soir pour vous parler des transitions de Gouvernement au cours desquelles j’ai souvent été un acteur puisque depuis l’année 1956, élève de la classe de philo au lycée Alexandre Pétion, je suis impliqué sur l’échiquier politique dans la lutte pour la mise en place en Haïti d’un Etat moderne qui assure le bien-être du Peuple par l’application des principes de la démocratie représentative et les mesures garantissant le développement économique et social du pays.
Mon exposé portera sur les transitions de Gouvernement élu à Gouvernement élu, ou mieux de gouvernement à gouvernement conformément aux prescrits de nos nombreuses constitutions, soit du Gouvernement du Président Paul. E. Magloire à celui de Duvalier, du Président François Duvalier au Président François Duvalier et au Président à vie François Duvalier, de celui-ci au Président à vie Jean-Claude Duvalier, de celui-ci au Président Leslie Manigat, de celui-ci au Président Jean-Bertrand Aristide, du Président Aristide au Président Préval, de ce dernier au Président Aristide et de celui-ci au Président Préval et de ce dernier à X. Très rares, au cours de nos deux cents six(206) ans d’histoire de nation indépendante et souveraine, avons nous vu ou entendu dire qu’un chef d’Etat a terminé le terme de son mandat, a rempli les formalités constitutionnelles pour passer sereinement l’écharpe symbolisant le pouvoir républicain ou monarchique, présidentiel ou impérial. Aussi le Docteur François Duvalier constate dans le Tome IV de ses Oeuvres essentielles << L’INAMOVIBILITE du pouvoir, en Haïti, n’est pas une innovation récente, une création nouvelle pour les besoins d’une cause. Elle a précédé notre Independence.>> Nos dirigeants ont toujours eu du mal à se libérer du pouvoir et pour éviter toute déconvenue de la gymnastique périodique de la transition, ils recoururent nombre d’entre eux à l’astuce de la présidence à vie. C’était le cas pour les chefs d’Etat dont les noms suivent:
-Jean-Jacques Dessalines, Gouverneur à vie, Empereur
-Henry Christophe, Président à vie, Roi
-André Rigaud, Général en chef à vie dans le Sud
-Jean-Pierre Boyer, Président à vie
-Jean-Baptiste Riché, Président à vie
-Faustin Soulouque, Président à vie, Empereur
-Fabre Nicolas Geffrard, Président à vie
-Dr François Duvalier, Président à Vie
-Jean-Claude Duvalier, Président à Vie
Ils sont très peu nombreux les chefs d’Etat Haïtiens qui ont su réaliser leur mandat sans tenter l’aventure de confisquer le pouvoir politique à leur propre profit ou à celui de membres de leur coterie. Non très loin de nous une transition constitutionnelle ratée, ce fut la transition Magloire-Duvalier. Celle-là malgré sa durée relativement courte du 6 décembre 1956 au 22 octobre 1957, fut l’une des plus riches en évènement mais aussi des plus sanglantes.
La Constitution de 1950 élaborée par la Constituante mise en place par le Conseil militaire de Gouvernement issu du coup d’état qui emporta le Président Dumarsais Estimé, portait en elle les germes de discorde qui allaient affecter la transition Magloire- Duvalier au cours de laquelle le pays frôlait plusieurs fois la guerre civile. En effet le 06 décembre 1950, le colonel Magloire prêta serment sur la Constitution dite de 1950.qui stipule dans son article 77 << Le Président de la République est élu pour six ans. Il n’est pas immédiatement rééligible et ne peut en aucun cas bénéficier de prolongation de mandat. Il entre en fonction au 15 Mai de l’année où il est élu, sauf s’il est élu pour remplir une vacance, dans ce cas, il entre en fonction dès son élection et son mandat est censé avoir commencé depuis le 15 mai précédant la date de son élection.>> et dans l’article A des dispositions transitoires il est établi: << Le Président de la République, le citoyen Paul Eugène Magloire, élu le 8 Octobre 1950, entrera en fonction le 6décembre 1950 et son mandat prendra fin le 15 mai 1957.
Article ‘’B’’.- Les députés élus sous l’empire du décret de convocation de la junte de Gouvernement de la République exerceront leur mandat jusqu’au deuxième lundi d’Avril 1957.’’
Comme, on peut le comprendre, “le vers est dans le fruit”, car la Constitution dit une chose et son contraire, ce qui n’a pas échappé à la sagacité de la classe politique, de l’opposition en particulier. Aussi, dès la fin de l’année 1955 était donné le branle pour le respect de l’article 77 de la Constitution, l’organisation de bonne élections pour la passation de pouvoir au 15 Mai1956 et l’Opposition politique monta au créneau pour dénoncer l’administration du président Magloire jugée corrompue et dictatoriale. Une vive polémique éclata entre d’une part la presse gouvernementale représentée par la Radio Commerce, la Radio “Jean-Jacques Dessalines” montée par l’équipe du Ministre des Finances, Me Clément Jumelle, un candidat à la Présidence considéré comme le dauphin du Président Magloire ,le journal “le National” conduit par une équipe d’intellectuels, les idéologues du Pouvoir et d’autre part la presse de l’opposition représentée par le journal “Foi Sociale” du Mouvement d’organisation du Pays (MOP), l’hebdomadaire “Indépendance”, Le journal “Haïti Miroir”, l’hebdomadaire “Téléphone des Jeunes” fondé par un groupe de jeunes intellectuels conduits par le professeur Windsor K. Laferrière du Lycée Alexandre Pétion.
Cette polémique gagna et intéressa toutes les couches de la population et en particulier la jeunesse des lycées, des écoles privées et des Facultés et de jour en jour se faisait de plus en plus manifeste la volonté du Président Magloire de s’accrocher au pouvoir et même l’idée que la population se faisait que l’économiste Clément Jumelle était le dauphin du Président s’estompait. En effet au retour d’une tournée officielle aux Etats Unis d’Amérique, le Président Magloire, aussi, Général de Division dans l’Armée d’Haïti eut à déclarer à la presse qu’aux Etats Unis d’Amérique, le candidat à la Présidence Clément Jumelle était perçu comme un mangeur de mulâtres. C’était le coup de grâce à Clément Jumelle, mais aussi un message à la Nation du Président pour lui dire qu’il n’avait pas de dauphin et qu’il voulait garder le pouvoir. L’opposition politique cristallisée par les candidats à la Présidence Professeur Daniel Fignolé, Agronome Louis Déjoie, Docteur François Duvalier l’a bien appréhendé, de même que la jeunesse universitaire et scolaire et s’accordait pour ne pas permettre au Président de rester au-delà de la limite du 15 Mai 1956 prescrite par la Constitution en vigueur, la Constitution de 1950.
Des groupes anti-gouvernementaux se multipliaient ouvertement et clandestinement. Et même des cellules de violence armée étaient constituées. Aidées d’un activiste cubain Themistoclès Fuentes proche de l’ancien Président Cubain Prio Socaras renversé par le général Fulgencio Batista, elles fabriquaient des stocks d’explosifs qui étaient utilisés pour créer la panique au sein de la population et déstabiliser le pouvoir en place. Le Président Magloire afficha un mépris total pour les protestations et semblait vouloir dire à tout le monde : <<Le chien aboie et la caravane passé>>. Il mit le cap pour ignorer la date constitutionnelle du 15 Mai 1956 de la fin de son mandat de six ans. Mais la jeunesse voyait les choses autrement. Au lycée Pétion par exemple, depuis le commencement d’Avril 1956, sous la direction d’un petit comité composé de Guy Bauduy, Déjean Bélizaire, Lyonel Noel, l’agitation prenait chaque jour plus d’ampleur.
A la date du 15 Mai 1956, le Président Magloire de plus en plus décrié parce qu’accusé de gaspillage financier et de crimes politiques, était encore en place et ne donnait aucun signe d’inquiétude, malgré les critiques les plus pertinentes qui paraissaient dans la presse de l’opposition et qui animaient les conversations des citoyens. Le 17 Mai 1956, forts de leur droit et devoir de défendre les valeurs et les prescrits constitutionnels, les élèves du lycée Pétion gagnèrent les rues en direction de l’école J.B.Damier et du lycée Toussaint Louverture aux cris <<Abas Magloire, Vive la Constitution >>.
Cette journée du 17 Mai 1956 s’est soldée par un bain de sang au Lycée Toussaint Louverture dont l’espace a été violé par les soldats des Casernes Dessalines conduits par l’officier Sony Borges. Cet acte odieux de violence et de violation de l’espace scolaire n’a pas eu sur la jeunesse et la population l’impact escompté d’intimidation et de neutralisation. Au contraire la population indignée par les actes odieux de crimes, de violence , de malversation, de manipulation des élections pour le renouvellement de la Chambre des Députés était encore plus déterminé à stopper le Président dans ses dérives. Ainsi on assista à des vagues de protestation, de manifestations, et de grèves tant des Syndicats qui étaient sous l’influence politique du Professeur Daniel Fignolé que du secteur des affaires réputé d’allégeance au Sénateur Louis Déjoie et au Docteur François Duvalier. Traqué par le soulèvement général de la population et une certaine grogne au sein de l’Armée, le Président profita de la date du 06 Décembre 1956, sixième anniversaire de son investiture comme Président de la République pour tenter une opération politique des plus rocambolesques. Elle consistait pour le Général Président à reconnaitre la date du 06 décembre 1956, comme celle de la fin de son mandat de six ans, à faire appel au Président, au Vice-Président et au juge le plus ancien de la Cour de Cassation qui, eux tous en raison des troubles politiques, estimèrent plus sage que le pouvoir soit remis à l’Armée qui, de son coté, va prier le Général Président de rester au timon des affaires jusqu’au rétablissement de la paix.
A ce sujet, des extraits de deux messages à la Nation, l’un prononcé par le Président Magloire et l’autre responsive par le Général Antoine Levelt, Chef d’Etat-Major de l’Armée. <<Au demeurant, notre journée a été bien remplie et c’est fort de cette conviction intime, fort de la reconnaissance indéfectible du Peuple pour qui nous avons mis à contribution toutes les ressources de notre intelligence et de notre jeunesse, fort de l’appui délibérément accordé par tous les honnêtes citoyens, fort de la considération profonde de nos amis de toutes les couches sociales qui se préparent, au moment où nous parlons à manifester une nouvelle fois leur attachement à notre personne, fort de l’appui de notre fidèle Armée que, librement, sans pression d’aucune sorte et en parfait accord avec notre conscience de soldat, nous avons pris la décision irrévocable de mettre un terme à notre mandat présidentiel faisant ainsi nôtre la thèse soutenue par certains secteurs et par des juriste éminents, à savoir que la Constituante de 1950 ne pouvait sans outrepasser ses droits et méconnaitre les limites de ses pouvoirs, aux six années que le décret de la junte de Gouvernement avait fixé comme durée du mandat de celui qui serait élu des assemblées du 8 Octobre 1950. Notre décision étant prise, nous avons fait part –toujours par respect pour notre Charte constitutionnelle-aux honorables citoyens que l’article 81 désigne comme successeurs éventuels du Président de la République en cas de vacance par décès, démission ou tout autre cause. Ils ont, par l’organe du Président de la Cour de Cassation, décliné l’honneur d’assumer les responsabilités du Pouvoir Exécutif, parce que dans les circonstances actuelles, ils ne peuvent garantir le maintien de la paix publique dans la légalité, s’en remettant à l’Armée, seule habile à assurer l’ordre intérieur et la sécurité des familles. L’Armée ayant accepté, nous avons pleine confiance qu’elle sera comme toujours la gardienne vigilante des droits du Peuple>>.
De son coté, concluant le scenario, le Chef d’Etat-Major, le Général Antoine Levelt, s’adressant au Peuple Haïtien dit entre autres choses ce qui suit: <<Au cours d’une entrevue qui eut lieu au Palais National ce matin vers les neuf heures entre les membres du Pouvoir Exécutif, le Président, le Vice-Président, le Juge le plus ancien du Tribunal de Cassation et le Haut Etat-Major de l’Armée d’Haïti, réunis par le Chef de l’Etat qui avait tenu à leur faire part de sa décision irrévocable, le Président du Tribunal a formellement demandé au Chef d’Etat-Major si l’Armée garantissait dans la conjoncture actuelle l’ordre et la sécurité publics, tout en restant dans le cadre de la Constitution et des lois . Celui-ci, pénétré de ses responsabilités envers le Peuple Haïtien tout entier et se faisant l’interprète du Haut-Etat-Major et de l’Armée tout entière a fait un exposé minutieux et sincère de la situation, exposé d’où il ressort que ce Haut Fonctionnaire ne pourrait pas, vu la gravité exceptionnelle du moment, diriger les destinées du Pays sans recourir à des mesures extra-légales que seul un Gouvernement fort est capable de prendre dans l’intérêt supérieur de la Nation… Devant cet état de chose, le Président du Tribunal de Cassation en accord avec le Vice-Président et le plus ancien Juge ont préféré s’en remettre au patriotisme et à la clairvoyance de l’Armée détentrice de la force publique pour dénouer la crise et envisager les mesures de sauvetage nécessaires. Conscient de ses devoirs, le Haut-Etat-Major de l’Armée qui, au cours de cette nuit, a longuement délibéré sur cette question avec tous les commandants des Départements militaires du pays, a décidé de solliciter du Général de Division Paul. E. Magloire qui est nanti de la pleine et entière confiance non seulement de l’Armée, mais aussi de la très grande majorité du Peuple Haïtien, de conserver provisoirement les rênes du Pouvoir, jusqu’à ce que la paix revenue puisse permettre aux institutions nationales de fonctionner librement, lui garantissant que l’Armée est et sera solidaire de toutes les mesures d’exception qu’il prendra pour la conservation du patrimoine sacré légué par nos aïeux.>> La grotesque comédie jouée, il ne resta au Président qu’à annoncer au Peuple Haïtien qu’il continuera à se sacrifier pour son bien-être et son salut.
Des manœuvres aussi grotesques soulevèrent le mécontentement général et le Peuple Haïtien, toute classe sociale confondue, était déterminé plus que jamais à renverser le Gouvernement. C’est par des cris <<li pa bon!>> que fut accueillie cette manœuvre grotesque du pouvoir. La population n’abandonna pas les manifestations, maintint sa pression pour exiger le départ du Général Magloire. Devant la détermination du Peuple, les officiers de l’Etat Major de l’Armée signifièrent au Général Magloire l’ordre de quitter les Casernes Dessalines et le Quartier Général de L’Armée pour laisser le pays. Ainsi le 12 Décembre 1956, le Général Magloire démissionna et le 14 Décembre 1956 fut embarqué pour la Jamaïque, d’où il partit pour les Etats Unis d’Amérique et où il vécut en exil jusqu’en 1986.
Le départ de Magloire rendit possible la prise de fonction par le juge Nemours Pierre-Louis, mais n’eut pas la portée de mettre fin aux déboires du Pays, puisque le Président Provisoire Joseph N. Pierre-Louis, homme intègre et digne, après cinquante jours d’administration, démissionna le 04 Février 1957 de sa fonction de Président Provisoire, devant la complexité de la situation politique créée par les luttes d’intérêt entre les différentes factions politiques, dont la plupart réclamaient l’arrestation et le jugement du candidat Clément Jumelle accusé de concussions, ce qui plongea le pays dans une situation de trouble encore plus grave car la participation au gouvernement du Vice-Président et du juge le plus ancien de la Cour de Cassation compromit la possibilité de tout recours à la formule de remplacement consignée dans l’article 81 de la Constitution. Cette formule était considérée épuisée par certains ténors de la classe politique. De l’avis de plus d’un, les juges de la Cour de Cassation en ligne pour recueillir le pouvoir, notamment les Juges Joseph Vilgrain et Jean-Baptiste Cinéas étaient réputés d’appartenance déjoïste.
Pendant plusieurs jours, ce fut l’Etat Major de l’Armée d’Haïti conduit par le Général Léon B. Cantave qui, officieusement, assuma la direction pour trouver une solution politique acceptable à toutes les parties. Le Quartier Général de l’Armée devint le siège d’intenses négociations entre les leaders politiques, les candidats à la Présidence notamment le Professeur Daniel Fignolé, l’Agronome Louis Déjoie, le Dr François Duvalier, l’Economiste Clément Jumelle, Me. Julio Jean-Pierre Audain, Me. Auguste Fauché, Me. René Roy, Dr. René Salomon, Me .Alfred Viau, Me. Métrius Bonaventure. Les tractations ont abouti à la désignation d’un juge retraité Franck Sylvain dont la nomination fut ratifiée par l’Assemblée Nationale au cours d’une séance extraordinaire le 07 Février 1957. Sur le terrain politique, la ville de Port-au-Prince, la Capitale était dominée par la capacité extraordinaire de mobilisation des masses du Professeur Daniel Fignolé, celui-ci incontournable dans la conjoncture était courtisé par tous ceux-là qui aspiraient à devenir le Président Provisoire du Pays.
La petite histoire rapporte que le juge Franck Sylvain qui avait été à Carrefour-Feuille chercher l’appui populaire du Professeur Fignolé la veille du vote par l’Assemblée Nationale sur les noms des candidats au poste de Président Provisoire, était tellement heureux, lorsqu’il obtint l’accord du professeur, qu’il laissa son chapeau chez ce dernier qui le plaça dans les rayons de sa bibliothèque. Il demeure entendu que le juge Sylvain n’aurait pas pu devenir Président Provisoire sans l’appui des leaders Louis Déjoie, François Duvalier et Clément Jumelle. Mais la consolidation de ce gouvernement était liée à un certain nombre de mesures exigées par une forte portion de la population, notamment la poursuite pénale du Président Magloire et de ses collaborateurs parmi lesquels était ciblé le Candidat Clément Jumelle qui à été un Ministre des Finances du Gouvernement Magloire et par conséquent solidairement responsable de toutes les malversations reprochées au Président déchu le 12 Décembre 1956.
Mais le juge Sylvain, une fois à la direction du pays, dut faire face aux contraintes de la vie politique. Il crut bon pour rassurer la population de prendre un certain nombre de mesures, en conséquence, il prit les mesures suivantes:
1) 14 Février, mise sous Séquestre de tous les biens meubles et immeubles de l’Ex-président Magloire et de tous ses collaborateurs qui avaient participé à la gestion de la chose publique
2) 21 Février, dissolution du Conseil du Gouvernement, considéré comme une sinécure
3) 22 Février, promulgation d’un Décret renforçant les attributions de la Commission d’Enquête Administrative instituée par le Président Joseph Nemours Pierre-Louis le 19 Janvier 1957.
4) 3 Mars 1957, convocation du Peuple dans ses comices pour élire le Président de la République et les Sénateurs.
En cette période électorale tumultueuse et confuse, tous les Candidats tenaient à avoir un droit de regard et de contrôle sur les actions gouvernementales, bref à participer au niveau ministériel au gouvernement. Le gouvernement de Me. Sylvain était suspecté de favoriser le Candidat François Duvalier. Mais il y a eu tant de Partis et d’organisations politiques à revendiquer leur participation que le Président du MOP qui prit l’initiative d’une Conférence Politique pour proposer un Cabinet ministériel au Président Sylvain dut y renoncer pour suggérer à celui-ci de composer lui seul et en toute autonomie le cabinet ministériel. A noter que le Candidat François Duvalier n’avait pas participé à la Conférence Politique. Attaqué de toutes parts, dans un effort de diversion, le Gouvernement décréta la dissolution du parlement et la mesure demeura effective malgré les protestations de certains parlementaires, en particulier du Sénateur Emile St Lot qui convoqua sans succès les Parlementaires, car aucun d’entre eux ne put franchir les barrages de police mis en place par l’Armée pour faire respecter la mesure présidentielle.
Mêlé à une affaire de fabrication de bombes qui impliquerait le Candidat François Duvalier, ses proches collaborateurs Clément Barbot, Alphonse Lahens, Fritz Cinéas, Thémitoclès Fuentes et un repris de justice Daniel Francis qui tenait une maison close au Portail Léogane, le Président Sylvain s’est trouvé prisonnier au palais National le 02 Avril 1957, puis transféré dans une maison appartenant à Madame Paul E. Magloire à la rue Alix Roy, une situation politique qui ouvrit la voie à de nouvelles négociations pour un nouveau gouvernement. Le Chef d’Etat-Major de l’Armée, le Général Léon Cantave, Arbitre de la situation du moment se garda bien de prendre le pouvoir. Au contraire il fit appel aux Candidats Louis Déjoie et Daniel Fignolé pour leur demander de former le nouveau gouvernement. Ces messieurs eurent la sagesse de comprendre la délicatesse de la tâche qui leur était confiée. Au lieu de chercher à en tirer avantage, ils tinrent une Conférence Politique à laquelle ils invitèrent tous ceux-là qui s’étaient déclarés Candidats à la présidence avant le 1er Avril. La volonté de participation de tous les Partis politiques conduisit à un Gouvernement dit Collégial composé des Représentants des principaux Candidats à la Présidence: Fignolé, Déjoie et Duvalier qui, malgré ses déboires avec la commission d’enquête sur l’affaire des bombes, a pu se présenter personnellement le 03 Avril pour participer à la Conférence Politique. Il semble que c’est une part congrue qui aurait été octroyée à Duvalier qui l’a acceptée sans commentaire, se réservant d’administrer la réplique en temps et lieu. Clément Jumelle, dans le maquis, pour échapper à la poursuite judiciaire ne put prendre part à la Conférence Politique.
Le Gouvernement était composé de onze Secrétaires d’Etat et de deux Sous-Secrétaires d’Etat. Ce fut à ce collectif d’Etat que fut dévolue la tâche de diriger les affaires de l’Etat dans l’impartialité et la transparence. Le Gouvernement Collégial fut installé le 06 Avril 1957, mais déjà quelques dix huit jours, plus tard commença à subir les effets des contradictions d’intérêt. L’édifice présenta des fissures très graves difficilement réparables. L’annonce est donnée par un communiqué du Conseil Exécutif de Gouvernement qui dénonça l’absence délibérée des représentants du Dr. Duvalier au Conseil Exécutif, ce qui, paralysa l’action gouvernementale en vue d’organiser des élections honnêtes et crédibles dans le pays. Cette situation ne laissa pas indifférents les officiers de l’Armée d’Haïti. D’aucuns étaient favorables à l’action gouvernementale, d’autres, au contraire, travaillaient à sa perte. D’où un antagonisme entre le chef d’Etat-Major, Léon Cantave et le colonel Pierre Armand, chef de la police. Le Premier se rangeant au coté de Duvalier qui voulait emporter le Collège et le second apportant son appui au gouvernement collégial, soutenu par les Candidats Déjoie et Fignolé. Le Général était en pleine rébellion pour avoir refusé de garantir la sécurité nécessaire à l’installation des nouveaux ministres qui étaient appelés à combler le vide laissé par les Secrétaires d’Etat Duvaliéristes. Aussi le 20 mai 1957, consécutivement à un traquenard tendu par le chef d’Etat-Major à une délégation de l’Exécutif pour rencontrer la population de St Marc le 19 Mai 1957, le Gouvernement désigna le Colonel Pierre Armand pour remplacer le Général Cantave en qualité de Chef d’Etat-Major de l’Armée d’Haïti, une responsabilité que le colonel refusa d’endosser…
Deux jours auparavant à la cathédrale de Port-au-Prince, à l’occasion de la cérémonie traditionelle de célébration de la fête du drapeau, une échauffourée opposa le Gouvernement secondé des Fignolistes et des Déjoistes aux duvaliéristes et jumellistes associés au Général Cantave pour huer les membres du Gouvernement. Ce fut un concert de balles meurtrières qui causa de nombreux blessés. A l’acte de révocation tardive posé par le Gouvernement, le Général Cantave se retrancha aux Casernes Dessalines pour opposer son refus d’obtempérer et proclamer la dissolution du Gouvernement Collégial. Sous la pression de nombreux frères d’armes, du lieutenant Maurepas Auguste, en particulier, qui était très proche du Colonel Pierre Armand, celui-ci aux environs des 23 et 24 Mai se décida à relever le défi posé par le Général. Le jour du 24 Mai, la presse annonça l’investiture le 25 Mai devant les tribunes du Champ de Mars du Nouveau Chef d’Etat-major de l’Armée d’Haïti. La population était rassemblée sur les pelouses du Champ de Mars attendant l’arrivée des bataillons de l’Armée quand un crépitement de balles provoqua la désertion des lieux. Plus tard on apprit que les sous-lieutenants Hans Wolf, Donatien Dennery et Desrivières postés au Champ de Mars avec des canons pour attaquer les Casernes ont été surpris de dos et abattus.
Cette journée du 25 Mai fut marquée par un revirement spectaculaire du Professeur Daniel Fignolé qui, n’ayant pas compris la décision inopinée du colonel Pierre Armand d’accepter un poste que quatre jours auparavant, il avait officiellement repoussé, a cru à une machination dans son dos du Secteur politique déjoiste, s’est laissé aller aux Casernes Dessalines à une réunion concoctée par les idéologues noiristes. A cette rencontre avec le Général Cantave participaient les Candidats à la présidence Clément Jumelle, François Duvalier, Daniel Fignolé. Il est rapporté que le Sénateur Emile St Lot a participé à cette rencontre historique. L’idée à la base de cette rencontre fut que le Colonel Pierre Armand répondait à une sollicitation de Louis Déjoie et que seul Fignolé pouvait éviter au pays une guerre civile. Ainsi Fignolé par esprit de sacrifice aurait consenti à devenir Président Provisoire avec le colonel Antonio Kébreau qui était commandant du Département du Sud comme Chef d’Etat –Major de l’Armée. Ainsi le 26 Mai 1957, le Président reçut l’investiture. Dix neufs jours plus tard, le 14 Juin 1957, il fut renversé par un coup d’Etat et embarqué pour la Jamaïque d’où il partit pour l’exil aux Etats unis d’Amérique. Il fut remplacé par un Conseil Militaire de Gouvernement dirigé par le Général Antonio Th. Kébreau.
Le Conseil Militaire de Gouvernement, pour réussir son forfait, entreprit une sanglante razzia dans les quartiers populaires à Carrefour Feuille, Bel-Air, la Saline, Carrefour. Une fois Fignolé écarté de la scène politique, la voie était libre pour Duvalier. En effet, le Conseil Militaire de Gouvernement fixa les élections au 22 Septembre 1957. Le Candidat Duvalier proclamé vainqueur des urnes prêta serment le 22 Octobre 1957. Cette transition de onze mois a été une longue marche pour le Peuple Haïtien. Ceux qui, comme moi, ont vécu cette période riche en évènements doivent l’avoir vivante à la mémoire.
TRANSITION DE DR. FRANCOIS DUVALIER A DR. FRANCOIS DUVALIER
Dans le titre XV, Dispositions Transitoires de la Constitution de 1957, l’Article “A” stipule: <<Le Mandat de l’actuel Président de la République élu le 22 Septembre 1957 prendra fin le 15 Mai 1963 >> La passation harmonieuse du pouvoir en conformité avec la Constitution semble depuis l’indépendance le geste politique le plus difficile à faire par les dirigeants politiques haïtiens. A compter le nombre de présidents à vie à conduire les destinées d’Haïti, on peut s’interroger sur les mobiles qui les poussent à ignorer le caractère de bien collectif qui confère à chacun des Haïtiens le droit et le pouvoir de participer à part égale à la désignation des Héritiers qui sont désignés pour conduire l’Etat. Après tout le combat mené pour contraindre le Président Magloire à respecter l’échéance constitutionnelle, on était en droit de s’attendre à ce que ceux-là qui allaient succéder au président Magloire étaient déjà guéris de cette grave affection.
De haute lutte, le Dr Duvalier finit par devenir le locataire du Palais national. Mais il n’attendit pas la fin de son Mandat pour amorcer son virage. Déja, le 30 Avril 1961, à l’occasion d’élections législatives pour renouveler la Chambre des Députés, furent découverts dans les urnes des bulletins de vote portant le nom du Président Duvalier appelé à exercer un nouveau Mandat, celui en cours étant déclaré caduc. Le Président accepta ce nouveau mandat qui lui aurait été octroyé par le Peuple Haïtien et le 22 Mai 1961 fut inauguré le nouveau pouvoir. La Chambre des Députés issue des élections d’Avril 1961 entreprit en 1964 la révision de la Constitution de 1957 et c’était pour instituer la présidence à vie et consacrer le Dr François Duvalier Président à vie avec droit de désigner son successeur. Cette disposition est consignée dans l’article 196 de la Constitution, qui se lit comme suit. <<La Chambre législative constituée au scrutin secret du 30 avril 1961 exercera la puissance législative jusqu’au deuxième lundi d’Avril 1967, date de l’expiration du mandat des actuels Députés. En l’occurrence, le citoyen Dr François Duvalier, Chef Suprême de la Nation Haïtienne, ayant provoqué pour la première fois depuis 1804 une prise de conscience nationale à travers un changement radical au point de vue politique, économique, social, culturel et religieux en Haïti est élu Président à Vie afin d’assurer la conquête et la permanence de la Révolution Duvaliériste, sous l’étendard de l’Unité Nationale>>.
Dans le but de continuer à abuser de l’innocence et de la naïveté du Peuple, le Président à Vie, sentant sa fin prochaine et disposant d’une chambre législative à son entière dévotion, entreprit une amendement de la Constitution de 1964 pour aboutir à la Constitution de 1971 qui, à l’article 91 fait passer l’âge pour être élu président de 40 ans à 18 ans. De plus l’article 100 de la nouvelle constitution confère au Président à Vie Dr. François Duvalier le pouvoir de désigner son successeur.
Article 100, <<Le Président à Vie de la République, Dr. François Duvalier a le droit de designer comme successeur tout citoyen remplissant les conditions prévues à l’article 91 de la Constitution. >>
Peu de jours avant sa mort, le 31 janvier 1971, le Président à vie Dr François Duvalier convoqua une colossale manifestation de masse au cours de laquelle il posa la main sur les épaules de son fils âgé dix neuf(19) ans et dit aux populations réunies << Voici le jeune leader que je vous ai promis…>>
Le 22 Avril 1971, à la mort de son père, en application de l’article 100 de la Constitution, Jean-Claude Duvalier est investi du titre de Président à Vie de la République. L’article 104 de la Constitution stipule << Le successeur désigné exercera la première magistrature de l’Etat sous l’empire de l’article 99 de la Constitution instituant selon la volonté du Souverain la présidence à vie et conformément aux dispositions du dit article 99 >>.
La Constitution de 1983 règle la transition de la présidence à vie exercée par le Président Jean-Claude Duvalier de la manière suivante.
Article 106 – Le citoyen Jean-Claude Duvalier, dépositaire de la légitimité révolutionnaire de 1957 sous l’étendard de l’Unité Nationale, reconnu et accepté inconditionnellement par la décision populaire du 31 Janvier 1971 comme le chef de l’Etat pour assurer la permanence de la Révolution, exerce à vie les charges de Président de la République.
Article 107-Le Président à vie Jean-Claude Duvalier, a le droit de designer comme successeur tout citoyen remplissant les conditions prévues à l’article 102 de la présente Constitution.
La désignation sera faite par proclamation du président à vie de la république qui convoquera le peuple à ses comices en vue de la ratification du successeur désigné.
Article 102
Pour être élu président de la république, il faut:
1) Étre haïtien d’origine et n’avoir jamais renoncé à sa nationalité.
2) Être âgé de dix-huit ans accomplis.
3) Jouir de ses droits civils et politiques.
4) Avoir son domicile en Haïti.
5) Avoir reçu décharge, si on a été comptable des deniers publics.
Mais la présidence à vie n’a jamais été une recette acceptée par tous les Haïtiens. Elle était l’œuvre d’une dictature féroce instaurée dans le pays par le président Dr. François Duvalier. Aussi a- t-elle été vigoureusement combattue, notamment par les partisans des différents secteurs qui, en 1957, ont été frustrés par l’action du Conseil Militaire de Gouvernement qui avait mis tout son poids dans la balance pour passer les rênes du pouvoir au Dr. François Duvalier. Dans ce combat pour le respect des droits du Peuple haïtien, les intellectuels, les étudiants et les écoliers se sont toujours portés en première ligne pour contrecarrer le dictateur dans ses initiatives pernicieuses et anti-démocratiques.
Le départ du président Jean-Claude Duvalier au pouvoir n’a ouvert la voie à aucune transition régie par la Constitution puisque chassé du pouvoir par des émeutes, il avait perdu de facto tout pouvoir de designer son successeur. Des négociations impliquant la communauté internationale, les Forces Armées d’Haïti et certains secteurs de la vie nationale ont conduit à la mise en place d’une structure gouvernementale désignée “Conseil National de Gouvernement(CNG) composé de civils et de militaires, notamment: Me. Gérard Gourgue (Secteur Droits Humains), l’Ingénieur Alix Cinéas, le Général Henri Namphy, le Général William Régala, le Général Prosper Avril.
La mission de ce gouvernement était d’assurer la transition à un gouvernement démocratiquement élu sous l’égide d’une nouvelle Constitution. En raison des liens de la plupart des personnalités constituant ce gouvernement avec le régime déchu au cours de ses vingt neuf années de gouvernement, la tâche était très complexe. Il était difficile de contenir la population qui était assoiffée de liberté, de justice et de la jouissance de ses droits fondamentaux qui étaient confisqués par la Présidence à Vie. Les forces politiques de l’ancien régime présentes sur le terrain et dans les différents compartiments de l’Administration publique ne se laissaient pas faire.
La contradiction qui oppose l’ancien et le nouveau conduisit souvent à des manifestations violentes entrainant souvent des pertes de vie humaines et des dégâts matériels. Cette période de transition est marquée par l’élaboration et la mise en place d’une Constitution ratifiée massivement par un référendum tenu le 29 Mars 1987, un peu plus d’un an après le départ du Président Duvalier. Certains articles de la Constitution, notamment l’article 291 ont rendu difficile l’application de la Constitution pendant cette période de transition. En témoignent les troubles politiques enregistrés à l’occasion des élections législatives et présidentielles prévues pour le 29 Novembre 1987, mais qui furent noyées dans le sang. Reportées au 17 Janvier 1988, ces élections ont été boudées par le Peuple et boycottées par la plupart des Partis Politiques. Elles ont abouti à la désignation du Professeur Leslie Manigat comme président et aux deux chambres du Parlement, la chambre des Députés et le Sénat.
Le règne du Président Manigat fut de courte durée. Moins de cinq mois après son investiture, il fut contraint d’abandonner le pouvoir pour céder le fauteuil présidentiel. Ce coup d’état emporta tout l’appareil étatique, l’Exécutif et le Législatif. Il s’ensuivit une multitude de coups d’état et de renversements de gouvernement. Le Conseil Militaire de Gouvernement qui remplaça le Président Manigat fut, lui aussi, emporté par un coup d’Etat des Soldats qui amena au pouvoir le Général Prosper Avril. Faute de comprendre que le pouvoir devait sortir d’élections crédibles et honnêtes, celui-ci s’est fourvoyé dans des jeux machiavéliques dont il n’avait pas la maitrise. Il a été emporté par les Forces démocratiques et remplacé par le juge Ertha Pascal Trouillot qui, elle plus réaliste et compétente, a su conduire le pays aux élections du 16 décembre 1990 qui ont désigné le Révérend Jean-Bertrand Aristide, comme Président. Ce dernier, ne saisissant pas tous les contours de la vie politique haïtienne et n’ayant pas compris que le Président n’était pas le seul élu du pays, s’est engagé dans des manœuvres qui étaient des violations de la Constitution , ce qui ouvrit la voie au coup de force du 30 Septembre 1991. Après de longues négociations et au mépris de la Constitution, de son histoire et de son parcours idéologique, le Président Aristide est retourné au pouvoir le 15 octobre 1994 dans les blindés des Etats Unis d’Amérique. Il termina ce qui resta de la durée de son mandat qui devait prendre fin le 07 Février 1996.
Il organisa les élections dont est sorti vainqueur le frère siamois du Président Aristide, monsieur René Préval et un parlement majoritairement lavalasse. Le Président Préval termina son mandat par des élections contestées qui ramenèrent au pouvoir son frère siamois, le Président Jean-Bertrand Aristide. Ce dernier balloté par les contradictions liées à la qualité des élections qui l’avaient amené au pouvoir a dû plier bagage le 29 Février 2004, pour prendre le chemin de l’exil. Il fut remplacé tout de suite comme le veut l’article 149 de la Constitution par le Président de la Cour de Cassation, Me. Boniface Alexandre secondé du Politicien Gérard Latortue comme Premier Ministre. Ce gouvernement mit deux ans à préparer les élections. Celles-ci ont eu lieu le 07 Février 2006. Monsieur René Préval en est sorti vainqueur. Aujourd’hui, c’est à lui qu’il appartient d’organiser de bonnes élections pour sortir le pays de l’impasse. Il est réputé passer maitre dans l’art de garder le pouvoir en organisant les élections au profit de ses proches. Les élections de 1997 pour le renouvellement du 1/3 du Sénat, celles de l’an 2000, législatives et présidentielles et les sénatoriales d’Avril et de juin 2009 sont citées en référence.
Aujourd’hui, le pays est à la croisée des chemins. Le Président qui ne peut plus briguer un troisième terme se dépense sans réserve pour conserver son autorité sur la gestion politique du pays en mettant sur pied un parti politique l’INITE qui est entre ses mains l’instrument politique de conquête par voie interposée du pouvoir, tant au niveau de la présidence qu’à celui du Parlement. En prévision des difficultés qui pourraient surgir et empêcher la conclusion du processus électoral avant le 07 Février 2011, le président Préval qui a reçu l’investiture présidentielle le 14 Mai 2006 a fait voter une loi qui étend son pouvoir jusqu’au 15 mai 2011. Cette loi est tout à fait inconstitutionelle. Pourtant la Constitution en vigueur dans le pays est très Claire sur ce sujet. Elle ne laisse aucune porte ouverte à de pareilles dérogations. Elle prescrit dans son article134-1<<La durée du mandat présidentiel est de cinq(5) ans. Cette période commence et se termine le 07 Février, suivant la date des élections>> .
Pour éviter tout vide au niveau de la présidence de la République, elle aménage une sortie heureuse à travers l’article 149 pour un Président qui n’aurait pas eu le temps d’organiser les élections présidentielles avant la fin de son mandat. Cet article se lit:<< En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit, le Président de la Cour de Cassation de la République ou à son défaut, le Vice-Président de cette cour ou à défaut de celui-ci, le juge le plus ancien et ainsi de suite par ordre d’ancienneté est investi provisoirement de la fonction de Président de la République par l’Assemblée Nationale dûment convoquée par le Premier Ministre. Le scrutin pour l’élection du nouveau Président pour un nouvau mandat de cinq ans a lieu quarante cinq jours au moins et quatre vingt dix jours au plus après l’ouverture de la vacance, conformément à la Constitution et à la loi électorale>>.
Il en découle, à la date du 07 Février 2011, si le processus électoral n’aura pas abouti à designer le nouveau Président de la République, le Président Préval après tant d’années de travail et de sacrifice à la direction du pays aura droit à un repos bien mérité. Il a joué sa partition, qu’il fasse place au fonctionnaire désigné par la Constitution.
Déjean Bélizaire
Ingénieur Civil
C.E.S d’Hydrologie et Hydraulique Agricole
Doctor Honoris Causa
Doyen de la Faculté de Science et Génie-U.G.O.C
Président du MNP-28
Coordonnateur de PLAPH
Port-au-Prince le 04 octobre 2010