Jean-Claude Duvalier doit s’expliquer
L’ex-dictateur haïtien Jean-Claude Duvalier, revenu dimanche au pays après 25 années d’exil, expliquera lundi les raisons de son retour, qui suscite de l’étonnement et des appels à le traduire en justice.
L’ancien homme fort de Port-au-Prince doit faire le point au cours d’une conférence de presse. À son arrivée hier en Haïti, il s’est contenté de déclarer qu’il était revenu pour « aider le peuple haïtien ».
Michaëlle Jean stupéfaite
Michaëlle Jean, l’envoyée spéciale de l’UNESCO pour Haïti, dit avoir appris avec stupéfaction le retour de Jean-Claude Duvalier, qui intervient au moment où le pays connaît une grave crise politique.
« Vingt-quatre années d’un exil confortable et en toute impunité auront-elles suffi à faire oublier les horreurs, les souffrances, les injustices, le coût humain et économique, de décennies de dictature duvaliériste? N’a-t-il pas de comptes à rendre? Comment peut-il rentrer en Haïti sans être inquiété, comme un citoyen sans reproche? », a demandé Mme Jean.
Duvalier devant la justice?
Le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), une organisation haïtienne de défense des droits de la personne, a plaidé dimanche pour que l’ex-dictateur soit jugé.
« Duvalier doit se préparer à répondre devant la justice des nombreux crimes et des vols qu’il a commis durant son règne (1971-1986) », a déclaré Pierre Espérance, responsable du RNDDH.
Même s’il reconnaît que l’ancien président à vie avait le droit de retourner dans son pays, M. Espérance a rappelé « que ce sont des crimes contre l’humanité. On ne peut pas parler de prescription dans ces cas ».
Le responsable du Réseau haïtien de défense des droits humains a indiqué pour sa part qu’ « il [M. Duvalier] peut être poursuivi à n’importe quel moment ».
Amnistie internationale réclame le jugement de Duvalier
Amnistie internationale a appelé de son côté les autorités haïtiennes à traduire en justice celui qu’on surnomme Baby Doc.
« Les violations des droits de l’homme, généralisées et systématiques, commises à Haïti durant le règne de Duvalier, représentent des crimes contre l’humanité. Haïti a l’obligation de le poursuivre, ainsi que tous les responsables de ce genre de crimes », a indiqué Javier Zuñiga, conseiller spécial de l’organisation des droits de la personne basée à Londres.
<< Les autorités haïtiennes doivent rompre le cycle d’impunité qui a prévalu pendant des décennies à Haïti. Ne pas traduire les responsables devant la justice ne fera que provoquer d’autres violations des droits de l’homme>>. Javier Zuñiga, conseiller spécial d’Amnistie internationale
« Lors de ses 15 ans au pouvoir, la torture systématique et les autres mauvais traitements étaient largement répandus dans tout le pays. Des centaines de personnes ont disparu ou ont été exécutées. Les membres des forces armées et la milice, également connue sous le nom de tontons macoutes, ont joué un rôle primordial dans la répression des militants pro-démocratie et des droits de l’homme », a ajouté Amnistie.
Le premier ministre haïtien, Jean-Max Bellerive, a expliqué dimanche qu’en tant qu’Haïtien, Jean-Claude Duvalier avait le droit de retourner dans son pays. « Pourvu que sa présence ne vienne pas compliquer une situation politique déjà tendue », a-t-il ajouté.
L’appel de la France
La France, qui a accueilli l’ex-dictateur pendant son exil, espère que ce retour controversé ne compromettra pas le processus politique en cours en Haïti.
« La venue de Jean-Claude Duvalier en Haïti ne doit pas détourner les autorités et les acteurs politiques haïtiens du processus électoral en cours », a déclaré le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Bernard Valero.
Radio-Canada.ca
Avec Agence France Presse