Mort du poète Edouard Glissant, héraut du métissage
Le poète et écrivain antillais Edouard Glissant, chantre du métissage, est mort jeudi à Paris à l’âge de 82 ans.
Né en 1928 à Sainte-Marie, dans le nord de la Martinique, cet ancien étudiant en philosophie et docteur ès lettres avait obtenu le prix Renaudot en 1958 pour « La Lézarde. »
Le président Nicolas Sarkozy a salué un homme qui aura marqué « la pensée de notre temps de son empreinte énergique, pugnace et exigeante ».
« Edouard Glissant aura plaidé inlassablement pour une approche de la diversité du monde fondée sur l’échange, le dialogue et la ‘poétique de la relation' », écrit-il dans un communiqué.
« Edouard Glissant restera à jamais parmi nous, non seulement pour la beauté de ses mots et la force de son verbe, mais tout autant pour ses odes à l’humanisme et à la diversité du genre humain, antidotes de tous les préjugés et les racismes », a déclaré Martine Aubry, premier secrétaire du Parti socialiste.
Pour Pierre Laurent, secrétaire national du parti communiste, Edouard Glissant « savait lire le monde dans ce qu’il portait de meilleur » et était « un homme d’action qui mettait en partage avec le peuple ses mots, ses idées, sa poésie. »
L’oeuvre d’Edouard Glissant a été marquée par une réflexion militante contre les racismes de toutes sortes et le rappel de l’esclavagisme, qui a entaché selon lui les rapports de la France avec l’Afrique et l’outre-mer.
Opposé à la guerre d’Algérie, il avait été expulsé des Antilles et assigné à résidence en métropole au début des années 60 par le pouvoir gaulliste.
L’écrivain, qui a ouvert la porte à la créolité, développait une conception opposée à la mondialisation, un espace sans frontières qu’il nommait le ‘Tout-monde. »
Il a publié « La terre, le feu, l’eau et les vents » (Galaade), une anthologie poétique d’un genre inédit où il juxtaposait un chant de l' »Odyssée » et une poésie peule, un vers de Rimbaud et une déclaration de Muhammad Ali.
Cette notion de « Tout-Monde » repose sur le consentement à la fois à l’unité et à la diversité et « sur le désir de concevoir nos différences sans craindre les différences de l’autre », expliquait-il dans une interview au Point, au printemps 2010.
« Les humanités ont subi les conséquences de nombreuses oppressions et guerres d’invasion, motivées par cette différence entre les peuples de l’unité (les grands empires conquérants) qui considéraient que la terre entière doit être mue par un seul idéal, l’Universel, et les peuples de la diversité (les petits lieux conquis), qui participent au contraire à des formes de la multiplicité », ajoutait-il.
En septembre 2007, Edouard Glissant avait cosigné avec un autre écrivain martiniquais, Patrick Chamoiseau, le manifeste « Quand les murs tombent » par opposition à la création en France d’un ministère de l’Immigration et de l’identité nationale.
Edouard Glissant parlait avec entrain du président américain Barak Obama, qui était à ses yeux l’incarnation de ce qu’il nommait la créolisation du monde.
Il avait récemment créé l’Institut du « Tout-Monde » pour « favoriser la pratique culturelle et sociale des créolisations. »