Haïti /Religion : Le Bon Dieu s’en est allé de l’Eglise Baptiste Siloé de Delmas 30
Depuis le décès de son pasteur titulaire, le Rév. Bienné Lamérique, dans le séisme de Janvier 2010, l’Eglise Baptiste Siloé a perdu ses repères spirituels et administratifs. Les vieux démons de la division ont surgi avec tant de violences que la congrégation éprouve toutes les peines du monde pour se relever. Un autre cataclysme secoue cette Eglise. Les dégâts sont plus importants que si le temple s’était effondré en ce mardi fatidique de janvier 2010. Un abcès parmi mille est crevé le dimanche 14 août,45 mille gourdes ont disparu du trésor de l’église. Une main invisible a agi. Scandale !
Le dimanche 14 août, de peu on a évité un pugilat, mais toutes les conditions étaient réunies. Au matin, dès le début du culte, l’actuel pasteur de l’Eglise, le Rév. Guerrier Merlain annonce pour le jour même une réunion extraordinaire avec tous les membres baptisés. A la sortie des invités et des croyants, le pasteur allait instruire l’assemblée d’un fait produit récemment à la trésorerie : 45 mille gourdes ont volatilisé. L’assistance s’étonne. Les explications abracadabrantes, invraisemblables de certains membres du comité de finances n’ont servi à rien face à la soif de réponses des gens qui ont soulevé nombre de questions sensées.
Ces questions étaient davantage pertinentes que ni les portes du bureau de l’Eglise, ni les serrures n’ont été forcées. Voilà pourquoi, les fidèles croient que le coup venait de l’intérieur ; rat kay kap manje pay kay, comme on le dit dans le parler populaire haïtien.
Les responsables tournent leurs langues, mais pour rien dire. L’assemblée s’impatiente. Son envie de comprendre ce qui s’est passé réellement grandit. Mais rien ! Une tentative d’explications du Frère Jacob Hyacinthe a été grossièrement interrompue par Guerrier Merlain. Ce dernier estimait que Jacob Hyacinthe voulait aller trop loin en explications pour essayer d’informer l’assistance sur d’autres cas de vols déjà produits dans cette maison de Dieu, des cas de vols gardés secrets. Et le brouhaha s’en est suivi. ..
La réunion annoncée comme pour éclairer une situation confuse a davantage créé de confusions. La principale question reste posée : ou sont passées les 45 mille gourdes. L’on attend toujours la réponse. Même la sagesse moutonnière que l’on demande à l’assistance de toujours faire montre n’a pu invalider cette interrogation, en tout cas pas pour les fidèles avisés.
En réalité, d’autres vols ont déjà eu lieu dans le passé : 30 mille gourdes avaient disparu d’un fonds de construction ; les offrandes s’érodent régulièrement ; des dons entreposés au bureau de l’Eglise ont disparu. Et tout récemment encore, en plein jour, des inconnus sont partis avec des haut-parleurs qui étaient dans le temple. Curieusement, personne n’a rien vu. Il y en a qui ont des yeux pour ne rien voir !
Cependant, ces gens savent très bien que la Bible condamne le vol. ‘’ Tu ne commettras pas de vol’’, peut-on lire au quinzième verset du vingtième chapitre du live d’Exode. Dans Lévitique 19 :11, il est écrit clairement: ‘’Ne commettez pas le vol, n’usez pas de mensonge ou de fraude au détriment de vos compatriotes’’. C’est la même instruction que l’on retrouve au vingt-huitième verset du chapitre quatre de l’épître aux Ephésiens : ‘’ Que celui qui volait cesse de voler ; qu’il se mette à travailler de ses propres mains pour gagner honnêtement sa vie et avoir ainsi de quoi aider les pauvres’’.
Ces exhortations, tout le monde les connait, malgré tout ceci n’a pas empêché cela !
L’Eglise souffre d’un manque de leadership grave
Si la réunion était menée à bien, on aurait abouti à une décision acceptable et acceptée par la majorité. Mais, il y avait trop d’improvisation. Le pasteur qui avait annoncé la réunion ne savait même pas ou il voulait aller ou à quelle conclusion il voulait arriver. C’était une réunion lancée sans se faire une idée du ‘’vrai pourquoi’’. Et tout naturellement la pagaille était au rendez-vous. Ceci est dû à un manque criant de leadership.
Du temps du regretté Bienné Lamérique, l’on pouvait critiquer la direction de l’Eglise, elle était trop verticale en ce qui à certaines décisions, mais elle existait ; et l’on faisait avec. Par contre depuis l’arrivée, à la cloche de bois presque, de la nouvelle équipe à la tête de l’Eglise, laquelle équipe – pour nombre de raisons – bénéfice d’une légitimité très limitée, l’assemblée perd son calme et la quiétude d’esprit qui permettent à la foi de murir et aux chrétiens de grandir. L’on sent que le nouveau capitaine n’est pas un homme de métier. Le plus souvent il intime l’ordre d’aller à bâbord quand il aurait été préférable de s’appuyer vers le tribord. L’équipage, inexpérimenté, lui aussi, ne peut placer les mots qui conviendraient. De ce fait, le bateau navigue en plein danger. Et le danger n’est pas une métaphore.
L’Eglise perd son unité
Le soupçon est permanent. La feinte, la fausseté, l’hypocrisie sont visibles. La médisance est devenue une arme pour miner l’autre, ternir l’image de l’autre ou le tuer à petit feu. Le schisme est masqué, mais on ne pourra pas le contenir trop longtemps. La plupart des gens sont de plus en plus faux dans leur comportement. Les salutations, les embrassades sont de moins en moins sincères. Les ‘’mon frère’’ ou les ‘’ ma sœur’’ lancés à hue et à dia cachent un gros mensonge, car la fraternité est absente de l’assemblée. Les gens se confondent tous dans un ‘’ faire semblant’’ qui sape à grands coups l’un des piliers théologiques de la foi chrétienne : l’amour du prochain, lequel amour est la source du nouvel humanisme occidental.
Ceux qui savent quelque chose de la littérature de la chrétienté ne sauraient oublier cette ligne tracée par Augustin dans Confessions, son œuvre autobiographique. Il écrit : ‘’Seigneur, bienheureux celui qui vous aime et qui aime son ami en vous, et son ennemi pour l’amour de vous’’. Mais avant Augustin, le Seigneur Jésus nous a invités à aimer nos prochains, exhortation retrouvée au 22e chapitre du livre de Matthieu en lisant du trente-quatrième au quarantième versets (Matt 22 : 34-40).
La première lettre de Jean fonde la sincérité de l’amour de l’autre : ‘’Si quelqu’un dit : << J’aime Dieu>>, et qu’il haïsse son frère, c’est un menteur. En effet, s’il n’aime pas son frère qu’il voit, il ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas. Voici donc le commandement que le Christ nous a donné : celui qui aime Dieu doit aussi aimer son frère’’ (1 Jean 4 : 20-21).
Cependant dans cette assemblée chrétienne qui existe dans la zone de Delmas 30 depuis 28 ans, cet ‘’Amour de l’autre en Dieu’’ est absent. Les gens apprennent de plus en à se désaimer pour se détester par la suite. On se vautre davantage dans la haine. On a déjà eu des cas de violence verbale. La violence physique n’est pas loin. Les fidèles ne se comprennent plus. Babélisme !
L’Eglise-patrimoine
La mort du Pasteur Bienné Lamérique a débouché sur une crise de prise de contrôle administratif de l’assemblée. Le comité exécutif, le corps des diacres n’étaient nullement préparés pour gérer la transition. Des groupes avec des projets et intérêts différents émergent. L’ensemble des fidèles baba assistent à un conflit carabiné entre ceux-là qui optent pour la rupture et ceux qui sont favorables à la perpétuation de l’existant. La bataille pour les gros morceaux égale celle pour les miettes. La foi en Dieu est un prétexte, un alibi, une belle échappatoire pour les hommes et les femmes qui ont peu de moyens pour leurs grands projets.
Certains se considèrent comme les seuls ‘’ ayant droit’’. Eux seuls ont voix au chapitre. Entre le diaconat et le pastorat, c’est la bouteille à l’encre. La jeunesse éberluée se perd dans les dénonciations des uns et des autres. Le gros de l’assistance souffre en silence. Les responsables du département de la jeunesse sont incapables de faire valoir leur position, pris eux aussi dans le tiraillement. Pareils pour les dirigeants des différents groupes ou chorales. Ils n’ont pas de ressources humaines pour agir, pour proposer…les vertus se perdent dans l’intérêt, intérêt présent ou futur ! Le bon sens et la foi aussi !
La Convention Baptiste d’Haïti, une mollasserie !
L’aide de la Convention Baptiste d’Haïti (CBH) a été sollicitée en vue de trouver une solution à la crise qui secoue cette Eglise. Depuis des mois, un émissaire fait des va-et-vient, rencontre les protagonistes, formule des propositions, mais la situation ne fait que pourrir. Etant trop pleutre, il évite à attaquer le mal dans ses racines. Aux grands maux, les grands remèdes dit-on souvent.
Pourtant, l’abcès que l’on veut cacher finira par s’ouvrir un jour, et tout le monde sera éclaboussé. A ce moment, l’on va sortir toutes les balivernes, rien n’y fera ; on sera après la tempête pour constater les dégâts et se perdre en lamentations.
Certains du monde protestant oublient déjà comment une situation presque pareille avait cloué les portes de l’Eglise Baptiste des Cités de feu Pasteur Luc Nérée, un érudit de la famille protestante d’Haïti. Ils oublient comment ce genre de situation ne conduit qu’à la balkanisation des églises protestantes pour beaucoup fragilisées par leur gestion laissée à la seule décision d’un pasteur ou de ceux qui vivent de la largesse de ce dernier. Dynastie ecclésiastique ! Et quand le missionnaire blanc avec ses dollars et ses petites caisses se mêle de la partie, les gens sont prêts à s’entretuer.
Il est pernicieux que la CBH laisse quelques-uns violer la foi de toute une assemblée. On est pris dans la recherche du profit matériel, cependant l’on sait que l’Eglise est la pour prendre soin tout d’abord de l’âme des gens, pour maintenir leur foi en vie. La Convention Baptiste d’Haïti doit revoir sa stratégie, s’il est vraiment dans son intention de résoudre la crise.
Les leaders du monde protestant qui ont connu le pasteur Bienné Lamérique – du nombre, l’on cite les révérends Pierre Amos Gabeau, Charles Poisset Romain -, les dirigeants de la Fédération Protestante d’Haïti, institution au sein de laquelle Bienné Lamérique a œuvré pendant des années, vous êtes tous appelés au chevet de l’Eglise Baptiste Siloé de Delmas 30. La comédie précédant la tragédie a trop duré. Il faut faire en sorte que Dieu puisse revenir dans cette assemblée, vous aurez agi ainsi par devoir de foi et de fraternité.
Je suis convaincu que certains pour ne pas dire beaucoup vont crier au scandale en lisant ces lignes. Car leur stratégie est d’étouffer toute affaire pour pouvoir à la fin étouffer tout le monde et se bomber le torse comme les caïds victorieux d’une guerres à grands butins. Je n’ai pas peur des crachats ni des invectives, mais je crois opportun et important de lancer cette alerte puisque le scandale a déjà eu lieu, vous avez poussé Dieu à s’en aller de cette Eglise et vous l’exposez publiquement aux mépris des non croyants.
Que Dieu traite dans toute sa rigueur les Jannès et les Jambrès.
Il est temps que cela cesse !
Idson Saint-Fleur
Membre de l’Eglise Baptiste Siloé de Delmas 30
saintfleuri@yahoo.fr