BRH / ECONOMIE :Pas de panique !
Le Conseil de la Banque de la République d’Haïti (BRH) a décidé de rompre le silence pour rassurer au premier chef, les Agents, Opérateurs et Investisseurs en raison de la surchauffe observée depuis quelque temps sur le marché de change. En effet, le Gouverneur Charles Castel, le Directeur Général Jean Baden Dubois, et deux autres Membres du Conseil Fritz Duroseau et Georgette Jean Louis ont donné le jeudi 23 mai 2013 une conférence de presse au siège de la Banque de la République d’Haïti(BRH) dans le but évident de calmer le jeu et de rassurer tout le monde.
Pourquoi la BRH a-t-elle choisi ce moment précis pour parler de stabilité macroéconomique, de stabilisation du taux de change, d’inflation, de réserves en dollars, de déficit public, de balance commerciale, de transferts de la diaspora … ? Cela aurait-il quelque chose à voir avec les ‘’ Observations sur la conjoncture ‘’ faites récemment par le Sénateur Jocelerme Privert, Président de la Commission Finance et Economie ? Y-a-t-il lieu vraiment de s’inquiéter outre mesure ?
En tout cas, le Gouverneur Castel a, tout au moins en ce qui le concerne au regard des responsabilités de la BRH, très clairement fait la mise au point : ‘’…La situation générale sur les plans monétaire et financier est normale. Les variables macroéconomiques sont au beau fixe. L’inflation se situe autour de 7.2% (avril 2013), le déficit public autour de 2.6 milliards de gourdes. Un niveau plus qu’acceptable dudit déficit public c’est-à-dire moins de 1% du Produit Intérieur Brut (PIB) en conformité avec le cadre programmatique défini avec le Fonds Monétaire International (FMI). S’agissant de la Balance commerciale, nos importations ont baissé de 1% tandis que les exportations ont augmenté de 19%. Les transferts de la Diaspora ont augmenté de 8%. Les réserves en dollars se présentent ainsi : $ US 2 milliards (Réserve brute), $ US 1.2 milliard (Réserve nette). Concernant la dépréciation de la gourde par rapport au dollar, nous avons mis sur le marché $ US 15 millions sous forme de Bons du Trésor ‘’, a fait savoir M. Castel pour mettre tout le monde d’accord. Vu sous cet angle, point besoin de paniquer.
Raisonnablement pourrait-on imputer à l’Honorable Sénateur Jocelerme Privert la responsabilité de la surchauffe constatée sur le marché de change et des inquiétudes exprimées par les Agents, Operateurs et Investisseurs eu égard à la situation générale de l’économie haïtienne ?
En tant que Président de la Commission Economie et Finance, le Sénateur Privert est mieux placé que quiconque pour produire des ‘’observations sur la conjoncture’’ à défaut de remplir avec ses pairs au Sénat de la République le Pouvoir de contrôle constitutionnel de l’action gouvernementale.
‘’… La situation des Finances publiques n’est pas rassurante. Les recettes collectées au cours des six premiers mois de l’exercice en cours sont loin d’atteindre les réalisations de l’exercice écoulé voire de répondre aux prévisions établies dans la Loi de de Finances… Cette situation est confirmée par une note en date du 30 novembre 2012 de l’ex Ministre des Finances, appelant les Institutions publiques à une gestion parcimonieuse et plus responsable des ressources mises à leur disposition ‘’, a rappelé le Sénateur Privert.
En rapprochant la chute des recettes internes avec le ralentissement prévisible et annoncé de l’assistance internationale en plus des conséquences catastrophiques du passage des cyclones Isaac et Sandy pour l’économie haïtienne, on a vraiment du mal à comprendre les ‘’folies’’ financières de l’Exécutif à vouloir dépenser sans compter. Bref, les ressources collectées ou disponibles sont très mal utilisées, se plaignent à tort ou à raison des Sénateurs, Députés, et l’Opposition politique.
Sur quoi se reposent au regard des faits les allégations et/ou présomptions de corruption et de mauvaise gestion financière du Régime Tèt Kale ? L’Honorable Sénateur des Nippes énumère et définit le cadre : ‘’… Le mauvais arbitrage du Ministère de la Planification et de la Coopération Externe des Fonds communaux évalués à 1, 400, 000,000 de gourdes pour l’exécution des Projets dans les différentes communes. L’approbation desdits contrats et le décaissement des Fonds sont sources de profonds conflits entre des parlementaires de même région et mêmes avec certains membres du Gouvernement ’’.
‘’… De plus, le choix des Firmes bénéficiaires de ces contrats se fait en dehors de toutes normes et dans une opacité questionnable. Les dispositions de la Loi du 10 juin 2009 relatives aux modalités et conditions d’octroi de marchés publics sont dévoyées quand elles ne sont pas purement et simplement ignorées ’’.
‘’ … Les Projets retenus et pour lesquels des décaissements importants ont été effectués ne sont pas présentés à la population pour être l’objet de débat public sur leur opportunité et leur efficacité. La présentation de ces projets ne sert uniquement que pour les besoins du décaissement des Fonds. Dans la grande majeure partie des cas, ce sont des élus qui forment, recrutent et contrôlent ces firmes. Aucun contrôle ne peut être exercé. Puisque juges et partis ‘’.
Que disent les lois haïtiennes à cet égard ? L’alinéa 11 de l’article 22 de la Loi du 10 juin 2009 ne prête à aucune équivoque : ‘’ … Ne peuvent obtenir de commande ou de sous-traitance de la part de l’Etat, des Collectivités Territoriales et des Organismes autonomes, les Membres du Pouvoir Législatif et leurs Conjoints, les Membres du Pouvoir Exécutif et leurs Conjoints, leurs Représentants ou Mandataires ‘’. Nous prenons plaisir à vous faire savoir qu’il s’agit de $ US 400,000,000 de dollars des Etats-Unis d’Amérique de marchés attribués en dehors de la Loi, selon le Sénateur Privert. Qui plus est, le Parlement est encore dans l’ignorance totale de l’utilisation faite des 5, 000, 000,000 de gourdes (cinq milliards de gourdes) débloqués à partir des Fonds Petro Caribe dans le cadre de la Déclaration de l’Etat d’Urgence. No comments !
Toutes choses prises dans leur contexte, le Docteur en économie et Professeur Max Délices a analysé la situation en ces termes pour RTV Scoop FM : ‘’ … De nouvelles inquiétudes envahissent les esprits et les cœurs après l’annonce du Sénateur Privert d’un déficit fiscal de 9, 000, 000,000 de gourdes (neuf milliards de gourdes). Une très mauvaise nouvelle qui s’ajoute à la Production nationale moribonde. Les annonces fantaisistes de promesses d’investissements massifs étrangers qui ne viennent toujours pas, le départ forcé de la Ministre des Finances Marie Carmelle Jean Marie, les Programmes dits sociaux de la Première Dame, les voyages présidentiels, les Carnavals, l’utilisation discrétionnaire des fonds Petro Caribe, et toutes les Dépenses somptuaires du Régime Tèt Kale ont eu pour effets de miner dans la durée la confiance des Opérateurs, Agents et Investisseurs dans l’économie haïtienne. Une situation qui incline la balance en défaveur de l’économie réelle et entrainant ainsi la dépréciation de la gourde par rapport au dollar, compte tenu qu’Haïti importe plus de 70% des biens et marchandises consommés. L’intervention de la BRH relève de sa compétence pour stabiliser le taux de change et contenir l’inflation mais elle est loin d’expliquer l’économie réelle en termes de création d’emplois, de production de biens et services… L’attention de la BRH devrait être permanente pour favoriser un dialogue sérieux sur la Production Nationale globale.
Le moment est opportun pour les Décideurs politiques de créer enfin le Cadre incitatif pour des Investissements réellement nationaux … De définir en termes clairs les secteurs porteurs et se donner des échéances pour les rendre productifs. Main levée en matière de prélèvement fiscal sur les équipements et outils pour mécaniser la production agricole. Encadrement des producteurs agricoles avec des technologies de pointe. Accorder des avantages fiscaux aux potentiels investisseurs dans le domaine agro-alimentaire ‘’, telles sont les recommandations faites par le Docteur en Economie Max Délices.
Jean Frantz LASERRE
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