Intervention du Premier ministre d’Haïti Laurent Salvador Lamothe à l’occasion de la 68ème session ordinaire de l’Assemblée Générale des Nations Unies
Permettez-moi tout d’abord de remercier chaleureusement et fraternellement le Président de la République d’Haïti, Son excellence Michel Joseph Martelly, pour la confiance qu’il a placée en moi, et surtout pour son courage et sa détermination inébranlable à bâtir une nouvelle Haïti.
Je voudrais adresser mes félicitations à Monsieur l’Ambassadeur John ASHE, représentant permanent d’Antigua-et-Barbuda pour son élection à la présidence de la 68ème Session ordinaire de l’Assemblée Générale.
Je tiens à saluer également le Secrétaire Général Monsieur BAN KI-MOON.
C’est donc avec fierté que je prends aujourd’hui la parole à cette tribune de l’histoire universelle contemporaine. Cette tribune qui a vu tant de grands leaders exposer leur vision pour un monde plus juste et une humanité pluséclairée et équilibrée.
Voila déjà 13 ans que les États Membres de notre Organisation, forts des valeurs fondamentales de liberté, d’égalité, ont convenu d’imprimer un nouvel ordre international en matière de développement, en adoptant la Déclaration du Millénaire. Elle a été un temps fort de l’histoire des Nations Unies qui s’est toujours distinguée par son ambition d’appeler les peuples à relever ensemble les défis liés à la pauvreté et à l’exclusion sociale.
Haïti, par ma voix, se réjouit de la vitalité grandissante de notre organisation qui a su préserver au fil des ans lesidéaux de paix et de solidarité.Mon pays a toujours fait avec vous le pari de donner un meilleur avenir aux générations futures. Nous l’avons fait avec enthousiasme puisque Haïti, terre de Toussaint Louverture, terre d’Alexandre Pétion, terre de Jean-Jacques Dessalines et d’Henri Christophe n’a jamais raté, au cours de ces deux siècles d’existence, ces grands rendez-vous historiques. Il nous appartient à tous de préserver cet instrument vital pour l’avenir de l’humanité.
La 68ème Assemblée Générale des Nations Unies a pour thème : « l’agenda de développement après-2015 : plantons le décor ». C’est l’occasion idéale offerte à Haïti de dresser devant le monde entier un premier bilan des actions conduitespar le gouvernement, bilan qui répond en grande partie aux « Objectifs du Millénaire pour le Développement » et qui laisse entrevoir la nouvelle Haïti en gestation.
Avant de vous exposer ces réalisations, il est important de rappeler l’état dans lequel se trouvait Haïti lorsque le Président Michel Martelly a prêté serment.
En janvier 2010, Haïti était dans une situation particulièrement critique, notamment en raison d’un séisme dévastateur et d’amplitude majeure. Les catastrophes naturelles qui ont suivi ce désastre ont amplifié des problèmes déjà très graves.
Malgré les difficultés quotidiennes, « Haïti est aujourd’hui résolument et définitivement engagé sur la voie du progrès ». Notre pays se relève progressivement des catastrophes naturelles subies et regarde aujourd’hui l’avenir avec confiance. Nous avons adopté des mesures et des politiques efficacesqui s’articulent autour d’un plan stratégique de développement à long terme.
La vision de notre action gouvernementales’inscrit EN DROITE LIGNEdes objectifs de développement du millénaire. Mais, le développement en marche ne peut se concevoir sans une réforme en profondeur de l’administration publique et une bonne gouvernance politique. C’est pourquoi la question de l’État de droit reste une de nos priorités.Ace propos, nous avons fait de grandes avancées en 28 mois.
Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire a été mis en place pour garantir l’indépendance des magistrats et tous les juges de la Cour de Cassation nommés.
Le professionnalisme de la Police Nationale d’Haïti permet aujourd’hui d’assurer et de garantir la sécurité et de créer un climat propice aux investissements. La performance de la police a permis de classer Haïti parmi les pays les plus sûrs de la Caraïbe.
L’an prochain marquera la 10ème année de la présence militaire et policière des Nations Unies en Haïti. Le Gouvernement salue la mise en œuvre du plan de retrait progressif de la MINUSTAH, ce qui est possible aujourd’hui grâce aux avancées sur le plan sécuritaire.
La mise en œuvre des mécanismes constitutionnels prévus dans le cadre de l’État de droit est une priorité permanente pour le Gouvernement. Nous avons réussi àcréer un climat propice à la stabilité politique et à l’expression des idées et des valeurs démocratiques. La presse jouit d’une entière liberté et les membres de l’opposition politique exercent sans contrainte leurs droits.
Je tiens à rappeler l’engagement et les actions du Gouvernement pour consolider l’État de droit et garantir la pérennité des institutions démocratiques. A cet effet, le Gouvernement continue donc de donner tout son appui au « Collège transitoire du Conseil Electoral Permanent »pour la réalisation d’élections législatives et locales le plus rapidement possible. Malgréses faibles ressources, le gouvernement a déjà mis des fonds importants à la disposition de l’organisme électoral.
A ce sujet, le Président de la République s’est personnellement investi en initiant un dialogue franc et sincère avec les acteurs et partis politiques qu’il encourage àparticiper aux prochaines élections afin de respecter le jeu de l’alternance démocratique indispensable à la construction de l’État de droit.
En ce qui concerne l’éducation, plus d’1 200,000 enfants a bénéficié du programme de scolarité gratuite mis en place par le gouvernement. Le pourcentage d’enfants scolarisés est passé de 49.6% en 2010 à 77.2% en 2013.Nous avons réussi ce pari notamment en créant le Programme de Scolarisation Universelle Gratuit et Obligatoire (PSUGO).Voilà pour Haïti une avancée majeure en conformité à l’un des plus importants objectifs du millénaire, celui appelant à la « scolarisation de tous les enfants dans l’enseignement primaire d’ici à 2015 ».
Toutefois, le Gouvernement est conscient que cet acquis ne résout pas le défi de l’accès à une école de qualité pour tous. C’est ici un nouvel objectif que nous sommes déterminés à atteindre.
Par ailleurs, un programme ambitieux de lutte contre l’analphabétisme est en cours. Il concernera plus de 250,000 personnes en 2014.
Au registre de la lutte contre la pauvreté et la faim, autre objectif du millénaire, le Gouvernement haïtiena fait des efforts considérables pour éviterun drame humanitaire. Aumoment où le Président Michel Martelly accédait à la présidence, 76 % de la population haïtienne vivait en situation de pauvreté, 56 % dans la pauvreté extrême. Cela, dans un contexte de forte inégalité sociale.
Pour atteindre ces objectifs de lutte contre la pauvreté extrême, le Gouvernement a investi plus de US$ 150 millions dans les programmes d’assistance sociale. Trois (3)ministères-déléguésont été créés depuis 2012 pour renforcer les politiques publiques en vue de lutter contre la Pauvreté extrême : le ministère chargé des Droits Humains et de la Lutte contre la Pauvreté extrême, le ministère de la Promotion de la Paysannerie et de celui la sécurité énergétique.
Pour faire face à cette situation, le gouvernement a défini une Politique nationale de sécurité alimentaire, autour d’une série de 15 mesures dont les résultats sont attendus à court, moyen et long terme. A court terme, l’objectif est, d’une part, de stabiliser le prix des produits de consommation de base,et, d’autre part, d’offrir une assistance aux populations touchées par la pauvreté extrême. A moyen et long terme, l’objectif est d’augmenter la production nationale et de réduire notre dépendance alimentaire.
Parallèlement, nous avons introduit une innovation sociale sans précédent dans l’histoire du pays en initiant une série de programmes sociaux touchant les groupes les plus vulnérables. Rassemblé sous l’ombrelle « EDE PEP » « Help The Poors », ce programme touche après une année d’intervention, plus d’un million de personnes qui vivent dans l’extrême pauvreté : mères de famille, étudiants,vieillards, handicapés et victimes des désastres naturels.
Enfin, toujours sur ce registre, j’aimerais rappeler que sur les 1,500,000 refugiés du séisme qui vivaient sous les tentes, dans des conditions infrahumaines, plus d’1,200,000 ont été relogés.
Au 21e siècle, des gens meurent encore de faim en Haïti. Cette situation est INNACEPTABLE et INTOLERABLE. Comme l’a dit Nelson Mandela, « Vaincre la pauvreté n’est pas un geste de charité, c’est un geste de justice ». Pour le Président Martelly et moi-même, lutter contre la pauvreté extrême est un engagement devant l’histoire !
Sur le plan de la santé,les défis à relever sont considérables en Haïti. La prévalence de certaines maladies, les taux élevés de mortalité infantile, les carences d’infrastructures sanitaires, privent des millions d’Haïtiens à l’accès auxservices de santé de qualité. Cette situation a été aggravée par le séisme de 2010.
A cela, il faut ajouter l’apparitionen Haïti, en Octobre 2010, d’une très grave épidémie de choléra. Le peuple haïtien continue de payer le prix fort en vies humaines.
Devant les conséquences catastrophiques de ce fléau qui a occasionné plus de 8,000 décès et 650,000 personnes infectées, le gouvernement haïtien propose qu’une partie IMPORTANTEdu « Fonds mondial de lutte contre le choléra » soit dédiée de manière exclusive à l’éradication de cette maladie en Haïti.
Si nous persistons à croire que les Nations Unies ont une responsabilité morale dans l’irruption de l’épidémie, il n’en reste pas moins vrai que l’organisation appuie déjà certains efforts du gouvernement pour combattre cette maladie. Toutefois, c’est loin d’être suffisant.
Aussi, proposons-nous la mise en place d’une commission mixte comprenant des membres du gouvernement haïtien et des NationsUnies, pour étudier ensemble les voies et moyens pour solutionner définitivement cette question.
Face aux défis de santé publique majeurs, le gouvernement haïtien n’est pas resté les bras croisés. Avec des partenaires nationaux et internationaux, experts en santé public, nous avons réussi à contenir la propagation du VIH/sida. Dans la prise en charge du sida aujourd’hui, Haïti est passée à un taux de prévalence de 5.5 en 2000 à 2.2 aujourd’hui avec des projections de 1.5 en 2015. Ces résultats viennent récompenser des années d’efforts quifont d’Haïti un modèle universellement reconnu par les milieux scientifiques et académiques internationaux.Mais, nous n’allons pas en rester là. Beaucoup reste encore à faire sur le plan de la prévention et du traitement. Nous aspirons à enrayer définitivement la propagation du sida et à en rendre le traitement plus abordable.Il en est de même pour d’autres maladies dont le paludisme.
En Haïti, le réseau de santé publique et l’offre de soins restent largement insuffisants. De nouveaux efforts, notamment dans le domaine de la prévention, doivent être consentis. Rappelons que l’espérance de vie en Haïti est évaluée à 53 ans, très loin de celui des pays occidentaux.
La question de l’environnement est une préoccupation importante du gouvernement haïtien puisqu’une très grande partie de la couverture végétale a disparu. Pour sensibiliser la population sur la nécessité de reconstituer le manteau végétal,des programmes d’envergure ont été mis en place et d’autres sont en cours d’élaboration dans le but de relever le défi du reboisement, de la reforestation, de l’alimentation en eau potable, de l’assainissement, de la protection des écosystèmes, trop longtemps négligés.
Sans une protection adéquate de l’environnement, il n’y a pas de développement durable, pas de sécurité alimentaire possible pour une population en croissance, pas de recul de la pauvreté et de la misère.
Tout comme l’exige cet autre noble objectif du millénaire, le gouvernement haïtien, soucieux de la promotion de l’équité de genre, a fourni d’importants efforts pour assurer l’égalité entre les hommes et les femmes.Si la sociétéhaïtienne a toujours donné une place importante aux femmes, le gouvernement haïtien a engagé des initiatives fortes pour permettre aux femmes d’accéderà des postes de responsabilité dans l’administration publique. Ainsi le cabinet ministériel compte plus de 35% de femmes, et sur des portefeuilles importants.
Certes, beaucoup reste à faire pour assurer l’émancipation pleine et entière de la femme haïtienne, notamment dans les milieux les plus défavorisés. Chez nous, les femmes méritent un meilleur accès à l’éducation et aux services de santé.
Je conclurai en vous demandant d’observer de plus près cette Haïti différente qui émerge depuis trois ans en dépit des problèmes quotidiens et d’un héritage lourd que vous connaissez tous. Cette Haïti où plus de filles et de garçons vont à l’école; cette Haïti où de nouveaux hôtels de standard international ouvrent leurs portes donnant un nouveau souffle à notre tourisme; cette Haïti avec une croissance économique de 4,6 % ; cette Haïti qui a su stabiliser l’inflation à 6,7 % ; cette Haïti qui, pour la première fois, a vu l’investissement direct étranger augmenter de plus de 19 % ; cette Haïti qui mène une lutte acharnée contre la contrebande et la corruption ;cette Haïti qui enregistre le plus faible taux d’homicides de la Caraïbe, selon l’étude 2011 sur les crimes (Homicide) réalisée par le « United Nations Office on Drugs and Crimes »; cette Haïti qui se modernise petit à petit et qui adopte des réformes courageuses ; cette Haïti qui mise de plus en plus sur un dialogue constructif avec les partenaires sociaux du pays ( la presse, les partis politiques, le secteur privé, etc. ) ; cette Haïti qui a le courage de miser sur les plus vulnérables, sur les plus pauvres en dépit de certaines incompréhensions et critiques.
UneHaïti nouvelle émerge. Cette Haïti se sent plus que jamais partie prenante de la grande famille des Nations Unies, de lacommunauté internationale sans laquelle beaucoup des réalisations de ces trois dernières années n’auraient pas été possibles.
Cependant, nous avons fait beaucoup avec très peu. Si la communautéinternationale avait respectéles engagements de l’ordre de 10 milliards de dollarspris lors de la réuniondu 31 mars 2010, dans cette même enceinte où nous nous retrouvons aujourd’hui,les résultats seraient encore meilleurs et les souffrances du peuple haïtien moins pénibles. Aujourd’hui, nous sommes encore loin du compte puisque seulement une partie de cet engagement a été honorée. A cela s’ajoute malheureusement une réduction sensible de l’aide publique au développement qui n’a jamais atteint les 0,70% des PIB des pays développés tel que promis par ces pays.
Dans un souci de transparence, d’efficacité et afin d’éviter les duplications faites par les Organisations non gouvernementales, le Gouvernement a mis en place un nouveau mécanisme : le Cadre de Coopération de l’Aide Externe au Développement (CAED) afin de s’approprier de la gestion de l’aide internationale.
Haïti est de nouveau présente sur la scène régionale. Notre pays a accueilli, cette année seulement,trois grands sommets régionaux : CARICOM, AEC et PetroCaribe. Lors de ces rencontres, il a été également débattu des meilleures stratégies régionales pour combattre la misère, l’exclusion et l’injustice, thèmes communs aux objectifs de la déclaration du millénaire.
Finalement, cette Haïti dont je vous parle, c’est celle que les haïtiens et les haïtiennes s’attellent àfaçonner tous les jours, sans relâche. Les résultats arrivent. Les progrès sont déjà palpables. Notre paysne fait désormaisplus la une des dépêches de presse internationale pour coups d’État à répétition, tumultes sociaux, insécurité, instabilité.Notre pays est désormais stable et sécurisé notamment grâce au support de la MINUSTHA à la Police nationale. L’économie est stable, l’équilibre macroéconomique est assuré, l’inflation est contenue. Les travaux d’infrastructures sont lancés ainsi que la reconstruction des bâtiments publics détruits par le séisme. Le pays offre d’excellentes opportunités d’investissements dans tous les secteurs d’activités.
En Haïti, aujourd’hui,c’est la marche vers une nouvelle ère, celle du progrès social et économique. On agit concrètement pour réaliser des avancées vers leprogrès social et économiqueauquel la population aspire.
VIVE HAITI !Je vous remercie.