Haïti/Loi électorale/Genre : Les considérations de la SOFA
La Solidarité Fanm Ayisyèn.-SOFA salue les efforts des Parlementaires à travers les mesures incitatives prises dans la Loi électorale pour l’application du quota d’au moins 30% de femmes dans les postes électifs, conformément à l’article 17.1 de la Constitution amendée.
La SOFA a en effet observé que dans les considérants de la nouvelle Loi électorale, le principe du quota d’au moins 30% de femmes à tous les niveaux de la vie nationale a été évoqué. L’article 9 demande au CEP de veiller à ce que le quota de 30% de femmes soit respecté à l’occasion des concours pour le recrutement des membres des BED et des BEC.
Les articles 58 et 62 préconisent la présence d’au moins une (1) femme dans les cartels respectivement de la Commission Municipale et du Conseil d’administration de la Section Communale.
Les articles 92.1 et 129 proposent une réduction de 40% sur les frais d’inscription si le Parti ou le Regroupement inscrit 30% de femmes, ainsi qu’une augmentation de 25% du financement public lors de la prochaine élection législative, si le Parti ou le Regroupement présente 50% de femmes et réussit à en faire élire la moitié.
Cependant, ces mesures incitatives, de par leur caractère limitatif et non contraignant, sont très loin de pouvoir produire des résultats satisfaisants dans une société où les représentations sociales font encore obstacle à l’entrée des femmes en politique. Ainsi, la SOFA s’interroge sur :
1.- L’omission dans les visas des deux (2) conventions respectivement, celle « Sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) » et la Convention Interaméricaine « Sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme (Belem Do Para) ».
2. La non prise en compte de la proposition relative à la sélection par tirage au sort, de manière transparente, de trois (3) départements et 30% de circonscriptions où les Partis et Regroupements politiques présenteraient exclusivement des femmes en vue de s’assurer de la représentation des 52% de la population, au Parlement haïtien,.
3. La limitation de la présence des femmes à au moins une (1) candidate dans les cartels au niveau des Collectivités Territoriales sans considérer leur positionnement dans les cartels. (30% des cartels avec une femme cheffe de cartels).
4. Le mutisme observé dans le chapitre VIII traitant de la campagne électorale qui n’envisage aucune mesure pour prévenir les discours, attaques sexistes et dénigrements contre les femmes candidates.
La SOFA veut faire remarquer de manière générale que l’écriture de ce texte de Loi reprend malheureusement le principe de la vision androcentrique qui veut que le masculin soit au centre de tout.
La SOFA déplore encore une fois que tous les chapitres de ce texte de Loi fassent référence au masculin comme si celui-ci, tout comme « Homme » serait le terme générique pour désigner homme et femme.
Alors que dans l’introduction des articles allant de la section A à la section F, les deux sexes sont mentionnés (Pour être candidat ou candidate), dans le corps du texte, les femmes sont totalement absentes. On parle de « être haïtien », « être candidat », « superviseur », « l’élu est le candidat », « l’électeur », « le sénateur », « le député » « Le Président de la République », « représentants d’élus », « observateur »…
Ces exemples peuvent paraitre banals. Cependant ils sont bel et bien l’expression de l’invisibilité de la présence des femmes dans les postes de pouvoir ou encore mieux leur interdiction à y accéder, puisque l’univers politique est encore largement conçu comme un univers viril, un univers mâle.
Les temps sont révolus, si nous voulons être en adéquation avec l’article 17.1 de la Constitution amendée qui institue la présence des femmes entre autres dans des postes électifs, il faudrait tenir compte des femmes dans l’écriture de cette loi et prendre des dispositions pour créer des conditions favorables aux candidates femmes et hommes tout en sachant que des perceptions et représentations négatives liées aux pesanteurs socioculturelles appréhendent les candidatures féminines comme une intrusion dans un domaine réservé aux hommes.
Fort de ces constats, la SOFA réaffirme sa détermination à lutter pour la participation politique qualitative et effective des femmes et exhorte les parlementaires à se laisser guider par ces considérations d’ordre linguistique dans la préparation des lois, tant dans leur discours, dans la perspective de la construction d’une société véritablement démocratique et inclusive.
Port-au-Prince, 19 décembre 2013
Pour la SOFA
Marie Frantz JOACHIM
Coordonnatrice Générale
Kenidd Ascelin
Resp. Axe : Participation des femmes dans les instances décisionnelles