Crise systémique globale : La Chine, première puissance économique mondiale !
Deux faits majeurs ressortent de l’actualité des quatre dernières semaines. D’un côté, la Chine devient la première puissance économique mondiale, passant officiellement devant les États-Unis, avec un poids économique officiel (chiffres du FMI) de 17,61 billions de dollars (versus 17,4 pour les États-Unis). Source: FMI. Si les médias dominants n’ont pas accordé le moindre haussement de sourcil à cette information, notre équipe, en revanche, estime qu’il s’agit là d’un événement historique : les États-Unis ne sont plus la première puissance économique mondiale et, forcément, ça change tout ! D’autant plus que, parallèlement au franchissement de ce seuil, les États-Unis, après avoir tenté d’impressionner la planète par un militarisme débordant à l’occasion de la crise ukrainienne, révèlent une faiblesse stratégique majeure dans leur « gestion » de la crise irakienne.
La politique du muscle, qui semblait obliger le monde à rester sous tutelle étatsunienne pour un temps encore indéfini, tourne court. Ces deux indicateurs permettent de voir se dessiner un point de bascule majeur dans le déroulement de la crise systémique globale : le passage d’un monde étatsunien à un monde chinois…
Europe, Russie / Mise en place d’un Plan Marshall ‘’ à la Chinoise ‘’
Cette évidente émergence de l’acteur chinois a été précipitée par la crise ukrainienne. Alors que la Chine avait intérêt à rester à l’abri des radars, alors que les Russes tenaient à distance une Chine inévitablement invasive, alors que les Européens auraient dû également préserver les conditions d’une émergence en douceur de ce méga-acteur, la crise ukrainienne a accéléré la mutation et fait perdre en partie la main aux acteurs. Nous avons déjà fait remarquer que la crise ukrainienne et la politique de sanctions ont poussé les Russes à accepter de signer à un tarif moins intéressant que ce qu’ils espéraient le fameux accord gazier russo-chinois.
L’Ukraine a fait perdre la main aux Russes dans leur négociation avec la Chine de cet accord. Le Premier ministre chinois était en visite officielle en Europe et en Russie. Il avait les bras chargés de contrats, de projets d’investissements et de perspectives d’affaires, un véritable Plan Marshall de reconstruction des économies européennes et russes partiellement détruites par la guerre ukrainienne. Un plan irrésistible, bien sûr. Mais les conditions sont-elles désormais réunies pour que l’Union Européenne soit vraiment attentive à préserver son indépendance vis-à-vis de cette nouvelle puissance ? Rappelons que le Plan Marshall a contribué à enchaîner l’Europe de l’après-guerre aux États-Unis.
La City de Londres a déjà été sauvée de la faillite par la Chine qui en a fait la première place financière « hors-sol » à pouvoir émettre des obligations en yuan. De ce fait, l’Angleterre devient un fervent promoteur de l’adjonction du yuan aux DTS du FMI. La BCE elle-même commence à envisager d’ajouter du yuan à ses réserves internationales.
Et l’Europe se retrouve à jouer le rôle qui lui incombe de facilitateur de transition systémique entre un monde d’avant et un monde d’après la crise. Mais pour le jouer à ses conditions, il aurait été préférable d’être mu par une vision plutôt que par l’appât du gain, voire un réflexe de survie. Tout cet activisme entre l’Europe, la Russie et la Chine a culminé avec la tenue du Sommet de l’ASEM à Milan, les 16 et 17 octobre 2014.
Cet événement a toutes les chances de rester dans les livres d’histoire, en ce qu’il va arrimer l’Europe et l’Asie et fournir la plateforme de résolution de la crise de l’euro, de la crise ukrainienne, de la crise euro-russe, de la crise systémique globale… permettant ainsi la transition au monde d’après la crise. Il aurait été plus ‘’ multipolarisant ‘’ que l’acte fondateur du monde d’après soit scellé en un sommet Euro-BRICS. Mais il y a urgence et, après tout, trois des cinq BRICS étaient présents (Russie, Inde et Chine)…
Et surtout, le sommet ASEM a pour caractéristiques communes avec l’idée d’un sommet Euro-BRICS d’être représentatif des nouvelles réalités globales (poids économique, commercial, démographique) et de ne pas compter les États-Unis, désormais et jusqu’à nouvel ordre ombre portée sur toute tentative d’adaptation du système mondial aux nouvelles réalités. Le succès de cette rencontre rend évident à tous le contraste entre les perspectives offertes par l’alliance avec les États-Unis (où il est surtout question de guerre) et celles offertes par un rapprochement stratégique avec l’Asie (où il est surtout question de redressement économique). Notre équipe anticipe que les espoirs portés par ce Sommet auront notamment pour effet de sonner le glas du traité transatlantique, le déjà si controversé TTIP.
Qui a peur de l’irrésistible montée en puissance de la Chine ? Mais, on ne fait pas d’anticipation sans mettre en perspective des hypothèses d’avenir composées de changements de régimes, de dérives propres aux positions de toute-puissance, de durcissements conjoncturels… Alors, face à l’arrivée d’un nouveau Patron sur la scène internationale, l’Europe (et tout le monde) doit être capable à la fois d’accueillir positivement la nouvelle réalité et de veiller à repenser les conditions de la préservation de son indépendance. En tout cas, les premières générations d’étudiants formés à l’Europe (grâce au programme Erasmus et aux dynamiques transeuropéennes en matière d’Enseignement supérieur) ont 45-50 ans, l’âge où l’on commence à compter, que ce soit sur les circuits politiques ou économiques. Leur capacité à s’intégrer dans un monde multipolaire est infiniment supérieure à celle des élites issues des générations antérieures formées nationalement ou aux États-Unis, ne parlant dans le meilleur des cas qu’anglais. Grâce à Erasmus, l’Europe a tous les atouts en main pour compter à l’échelle globale malgré sa petite taille relative : multilinguisme, multiculturalisme naturel facilitant l’ouverture au monde et la compréhension de la complexité, etc. En conclusion, l’émergence du Monde multipolaire reprend son cours… Il aura seulement été plus douloureux et sera juste un peu plus chinois.
Jean Frantz LASERRE / raless2000@yahoo.com
Sources et Références / Global Research