Grincheux du Monde, Au Revoir!
Nicholas Kristof
PORT-AU-PRINCE, Haïti — Joyeux Noël! En ce temps des fêtes et d’espoir, Haïti peut ne pas paraître l’endroit idéal où célébrer.
Près de cinq ans après le terrible tremblement de terre survenu en Haïti, ce pays incarne la pauvreté et le désespoir aux yeux de nombreux Américains. Mais, cette perception est erronée. S’il est vrai que la politique haïtienne est encore pleine d’instabilité et la pauvreté bien ancrée dans le pays; l’économie haïtienne, par contre, progresse. Plus d’enfants vont à l’école, et l’état de santé des Haïtiens s’améliore.
Cela, par voie de conséquence, est révélateur d’une plus grande vérité que, nous les journalistes, ne reconnaissons pas assez souvent: À bien des égards, le monde devient meilleur là-bas! J’en suis convaincu.
Les mauvaises nouvelles sont diffusées en boucle, et non les bonnes. Les avions qui s’écrasent font la une des journaux, et non ceux qui décollent. Mais, une attention constante portée sur les mauvaises nouvelles conduit malheureusement les gens à la conclusion que des endroits comme Haïti ou le Congo sont sans espoir, chassant ainsi les touristes, les investisseurs et les bailleurs de fonds. Donc, au moins une fois par an, cela vaut la peine de prendre un peu de recul, et reconnaître qu’il y a du progrès.
Ceci est d’autant plus vrai que 2015 sera considérée comme une année cruciale dans la lutte contre la pauvreté dans le monde. Il y aura de nouveaux financements en janvier en faveur de la campagne de vaccination à grande échelle visant à sauver des vies. L’Union Africaine entend faire un effort spécial pour offrir plus d’opportunités aux femmes, et l’Assemblée Générale des Nations Unies qui aura lieu en septembre se prépare à adopter de nouveaux « objectifs de développement durable » qui serviront de mesures d’évaluation des progrès pour les nombreuses années à venir.
Alors, gardez ceci à l’esprit: Moins d’enfants meurent de faim ou de maladie dans le monde aujourd’hui qu’à aucun autre moment de l’histoire moderne, et plus d’enfants vont à l’école.
Ici en Haïti, trop de gens sont encore sans abri après le tremblement de terre. Mais, au cours des dernières années, l’économie haïtienne a connu une croissance plus rapide que celle des États-Unis.
L’initiative du gouvernement Américain visant à encourager la confection de vêtements en Haïti n’a pas eu les effets escomptés, tandis que l’agriculture, considérée comme le meilleur espoir pour l’avenir économique du pays, s’améliore dans certaines filières importantes.
Dans le cadre de l’initiative Feed the Future, j’ai visité un programme soutenu par les Etats-Unis qui prépare des horticulteurs à l’utilisation de serres. Un horticulteur, Michel Dorlean, m’a confié qu’avec la culture sous serre, il a triplé sa production de chrysanthèmes.
«Si vous revenez ici, vous allez voir que cette colline est couverte de cultures sous serre,» a-t-il prédit. Il a ajouté que les fleurs que j’achèterai pour ma femme à New York seront un jour importées d’Haïti.
Il y a également des améliorations notables au niveau des soins de santé. Plus de quatre enfants Haïtiens sur cinq sont vaccinés. De nos jours, le déparasitage est largement répandu.
«Autrefois, ces enfants seraient passés de vie à trépas», m’a déclaré le Dr Margareth Mallet qui m’a montré une salle d’une clinique de la capitale haïtienne, Port-au-Prince, où l’on soigne des enfants souffrant de malnutrition aigüe. Maintenant, ils sont revigorés à l’aide d’une pâte à base de beurre de cacahuètes ou d’autres suppléments.
Les mères haïtiennes sont également encouragées à allaiter au sein leurs enfants dans la mesure où selon les spécialistes en nutrition, l’allaitement maternel est l’un des moyens les plus économiques pour sauver des vies dans les pays pauvres (à l’échelle mondiale, on estime que 800 000 enfants meurent chaque année en raison des problèmes d’allaitement maternel.
En 1970, près d’un quart des enfants haïtiens mourait avant leur 5ème anniversaire. Selon les dernières statistiques, le nombre est passé à 7 pour cent. Comparé à il y a 15 ans seulement, un enfant de moins succombe toutes les heures.
Puisque les familles sont de plus en convaincues que leurs enfants vont survivre, ils en ont donc de moins en moins. En 2005, la femme haïtienne pouvait avoir en moyenne cinq enfants. De nos jours, le nombre est d’environ trois naissances par femme.
Rien de tout ce qui précède ne vise à ignorer les défis qu’il reste à relever: au moins deux milliards de personnes souffrent de malnutrition dans le monde, selon l’Institut International de Recherche sur les Politiques Alimentaires, à Washington.
Ce temps des fêtes, ne devrait-il pas pouvoir nous communiquer quelque chose de plus profond que les emplettes et les arbres de Noël?
Ainsi donc, je propose que les succès contre la pauvreté nous incitent à faire plus – et certaines étapes sont remarquablement simples. Examinez la question de l’iodation du sel.
Quand une femme enceinte ne reçoit pas suffisamment d’iode, le cerveau de son bébé ne se développe pas correctement. Ioder le sel et, des années plus tard, les enfants réussiront mieux à l’école, et auront un QI plus élevé.
Un autre succès nutritionnel: la patate douce de couleur orange dans votre assiette. C’est la Mère Theresa des aliments, particulièrement un trésor en vitamine A. Elle pourrait prévenir la cécité ou le décès de millions d’enfants souffrant de carence en vitamine A, Ainsi, des groupes d’aide tels que Helen Keller International aident les agriculteurs à la cultiver dans les pays pauvres. Tant mieux pour Michelle Obama qui a planté des patates douces dans le jardin de la Maison Blanche cette année dans le but d’encourager leur utilisation dans le monde entier. La patate douce de couleur orange gagne du terrain, ce qui fait que la faim et la maladie reculent.
Intégrez-la dans votre assiette. Joignez-vous à l’esprit des fêtes. Le monde fait face encore à des difficultés ; mais, comme un incitatif à faire davantage, reconnaissons qu’il existe des motifs d’être en joie.