Nécrologie : Mercius Feno
L’homme peut se battre contre les maladies ; il a cherché et cherche encore des médicaments pour des maladies ; la pénicilline lui a aidé à faire d’énormes progrès dans la lutte contre certaines infections ; la radiographie avec ses rayons X et Gama a permis de détecter avec une meilleure précision certaines anomalies dans le corps humain. Malgré toutes ces avancées, face à la mort l’homme demeure encore impuissant. Cela nous attriste depuis toujours.
Néanmoins, il importe d’admettre nonobstant les larmes et le chagrin que Mercius Féno, ce patriarche, couché dans cette bière, a vécu et a bien vécu parmi nous après 100 récoltes de café. Après 100 ans, que semelles qu’il a usées, que de kilomètres parcourus ; après 100 ans, que batailles livrées, que de succès malgré les obstacles ; après 100 ans, que d’âmes ramenées à Dieu. 100 ans d’existence, une vie bien remplie et sans regrets.
Mercius Féno avait vu le jour le 20 septembre 1915. Il a constitué une grande famille de 12 enfants et de plus de 116 petits-enfants et arrière-petits-enfants.
Pour répéter le grand poète chilien, Pablo Neruda, j’avoue qu’il a vécu, le vénérable Mercius Féno. Il a vécu comme un bon père de famille ; il a vécu comme un homme honnête qui imposait le respect ; Mercius Féno a vécu comme un bon prédicateur protestant, comme fondateur de l’Eglise baptiste de l’Anse-à-Galets en 1963.
J’avoue qu’il a vécu dans la paix et dans la solidarité avec ses voisins. Il restait humain dans ses relations avec les autres, compréhensif même envers les plus petits et les plus jeunes. La communauté de Petite-Source perd en la personne de Mercius Féno un mapou, un homme de racine. Un « vir bonus », un homme de bien. Un homme qui vous livre son sourire, un sourire léger, timide qui cache le plus souvent une grande bonté de cœur.
Il est le dernier d’une race d’hommes et de femmes qui disparaît ; il est le dernier d’une lignée de patriarches et de matriarches qui se perd. Les Saint-Pierre Sauveur, Talius Saint-Fleur et leurs épouses respectives ne sont plus. Dans cette catégorie, il nous reste seulement un Potestile Désulmé luttant contre les douleurs de l’âge et les fatigues physiques. Après, plus de représentants cette génération d’hommes et de femmes qui donnent des raisons de fierté et devant lesquels nous nous découvrons avec respect et humilité.
Mercius Féno, Papa Tiyi ou Tonton Tiyi, en franchissant les portes de l’au-delà, nous sommes certains que vous allez rencontrer vos devanciers dans ce monde mystérieux.
Sur votre chemin, si vous croisez le commandant Carman Normil : « Di li, pi fò nan chèf la Gonave yo pèdi otorite yo. Anpil ladan yo bliye si prensipal djòb yo se defann enterè popilasyon an.»
Mercius Féno, sur votre chemin, si vous croisez les magistrats Jules Narcisse, Isaac Coq Louverture : « Di yo pou nou, Ansagalè, vil la plonje nan dezespwa malgre li vin pi gran chak jou. Moun yo vin pi eklere men y ap viv nan pousyè ak nan kè sote akòz pwoblèm dlo. »
Mercius Féno, sur votre chemin, si vous croisez, Talius Saint-Fleur, votre compère Talius Saint-Fleur : « Di li zafè jenn respekte granmoun nan pa alamòd ankò, paske jenn yo di granmoun yo echwe. Olye yo yo ‘’ kenbe tèt yo, kwè nan tèt yo, kraze bèt ‘’ yo prefere desann pantalon.»
Mercius Féno, sur votre chemin, si vous croisez Pinceton Isaac, Francisque Ogaüs : « Di yo, nou regrèt anpil yo mouri san yo pat gen tan aksepte Jezi nan lavi yo. Malheureusement, après la mort. C’est le jugement.»
Mercius Féno, si vous croisez sur votre chemin le pasteur Boaz Harris : « Di li Legliz batis gen plis pase 100 tan Lagonav, men nou te desann tren pwogrè a, nou poko kapab remonte l ankò. Sa ban nou kè sere »
Mercius Féno, sur votre chemin, si vous croisez Mme Constantin Joseph alias « Madan Kons » ou Désinette Olivier alias « Sò De » : « Di yo lavi a vin pi chè chak jou pi plis nan Anasagalè. Mache Bwakredi pa egziste ankò, Mache Magazen an nan madebat, se sèl Mache Bolala kap feraye, men si ou pa gen kòb, pa pwoche ».
Tonton Tiyi, nou gen mesaj pou anpil lòt grandèt nan vil la, nou pa vle chaje tèt ou twòp, men souple di yo nou anpàn enspirasyon. Nap sibi yon sivilizasyon zoklimo. « Nap viv mal, byen mal e anpil moun estime tou sa nòmal ».
Mercius Féno, au nom des gens de Petite-Source (Zèb-Ginen, Nan-Kokoye, Fregat, Platon-Yeye, Nan-Bwad-Chèn ; au nom des familles Saint-Fleur, Corrier et Valmon ; en mon nom personnel, je vous dis bonne traversée.
Nous prions le Seigneur d’ajouter un autre couvert à sa table, de bien vous recevoir dans sa demeure.
Merci.
Idson Saint-Fleur
Aux funérailles de Mercius Féno
Eglise baptiste de l’Anse-à-Galets, le samedi 17 octobre 2015.