Haïti débat / La crise politique : Notre inélégance nous enlaidi
La gaucherie des protagonistes ces derniers temps a intronisé un nouveau leitmotiv dans les discours politiques haïtiens. Sur toutes les lèvres, on ne cesse de déplorer le manque d’élégance des acteurs comme facteurs de production de crise. Notre inélégance, souvent, nous fait languir, nous fait attendre vainement, nous retarde trop. Notre manque de discernement nous éprouve, nous détruit gratuitement.
À la suite des évènements de blocages du pays qui avaient débuté le 7 février dernier, les deux branches du parlement avaient déclaré leur intention de sommer le gouvernement du notaire, Jean Henry Céant. Entre le Grand Corps et la chambre Basse, durant près d’une semaine, on a assisté à une lutte effrénée pour effectuer, le premier, cette interpellation. Ne pouvant pas réunir suffisamment de membres pour avoir de quorum, la tentative des sénateurs avait essuyé un échoué. Les députés, qui ont pu se mobiliser avant, avaient, dans une séance de courte durée, en son absence, renvoyé le premier ministre. Mécontents, les sénateurs ont déploré leur manque d’élégance. Depuis lors, cette expression ne cesse d’être répétée comme un leitmotiv.
Le comportement de Céant de refuser d’accepter son renvoi par les députés, partout, dans les medias comme au sein de la population, est qualifié d’inélégant également. Après cette vaine résistance, le notaire a consenti de présenter sa démission au président de la République.
L’inélégance des acteurs dont on parle nous amène à l’étude du terme de l’élégance. Le mot élégance est lié à l’esthétique. C’est une appréciation esthétique positive. On peut se demander ce que fait un mot qui exprime un idéal de beauté dans le champ de la politique. Si le mot pénètre cette sphère, c’est parce ce que la politique était conçue comme beauté.
Parler de l’inélégance des acteurs, c’est parler du contraire de l’élégance. Parler de l’inélégance des protagonistes, c’est parler contre la beauté, c’est parler de la laideur. Notre inélégance nous enlaidi, nous dépare. Notre maladresse projette une image négative de nous. Notre manque de justesse envoi une perception défavorable de la politique.
Parler de l’élégance de nos personnages politiques, maintenant, c’est évoquer leur adresse, coquetterie, distinction, courtoisie, habileté, charme, classe. Le manque d’élégance de nos représentants politiques nous dit qu’ils ne sont pas adroits, coquets, habiles, charmants. Il nous indique aussi que nos mandataires ne se distinguent pas ni n’ont pas de classe.
Quand nos acteurs nous enfoncent en difficulté, ne décident pas dans le sens des intérêts de la population, n’ont rien fait pour améliorer les conditions de vie du peuple, ils ne sont élégants.
Evoquant cette notion d’élégance, lors de la retransmission de l’émission Haïti/débat du jeudi 21 mars 2019, nos analystes ont décrié le comportement de nos protagonistes. Le journaliste politique, Présimon Jean, n’a pas caché sa désillusion de l’attitude de Jean Henry Céant qui a livré une résistance inutile en ne se soumettant pas au même moment au verdict de la chambre basse. « Céant aurait dû laisser le pouvoir avec plus de grandeur », a regretté l’ingénieur Jean, tout ensoulignant que le gouvernement qui va se former, s’il se constitue sur la base de consensus va être un danger pour la population.
Les journalistes ont reproché aussi la division qu’il y avait entre les deux chefs de l’État, à savoir Jovenel Moise et Jean Henry Céant. « Le pouvoir ne devait pas être divisé. Il doit être monolithique. Une fois que les deux têtes n’arrivent pas à s’entendre, le PM doit être démissionné », a indiqué le politologue, Val Ené.
Selon nos analystes, notre inélégance a des conséquences sur nos valeurs. « Nos actions montrent que nous sommes en train de perdre nos valeurs, notre élégance. Nous avons perdu notre élégance même au niveau de l’État », a fait savoir le juriste Campane Joseph.
Abondant dans le même sens, Val Ené nous suggère de respecter les valeurs démocratiques. « En Haïti, on méprise les valeurs. On ne peut pas construire un pays dans le mensonge. Un pays ne peut se construire qu’avec la vérité », a-t-il fait valoir.
Mozard Lombard,
Communicateur Social, Journaliste,
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