Haïti débat / Transition, démocratie et élection : « Sans des partis forts, on ne peut pas avoir une démocratie fonctionnelle », dixit Ené Val
Pour en finir avec le régime dictatorial des Duvalier, nous avons enclenché un processus de transition démocratique depuis 1986. Nous n’avons tellement pas assimilé les valeurs de cette démocratie, cette transition, jusqu’à date, n’est pas encore aboutie.
De 1986 à nos jours, le pays est blessé par des crises à répétions pré-électorales, électorales et post-électorales. Le cortège d’évènements malheureux, que nous subissons, témoigne de l’incapacité de nos dirigeants au sommet de l’État. Les dirigeants haïtiens sont irresponsables. Le pays n’est pas dirigé. La population est aux abois.
Si nous avons fait le choix de la démocratie comme régime politique, c’est pour sortir de l’autocratie, pour ne pas subir la violence d’un seul homme. Nous avons choisi la démocratie, contre la violence, la torture, la souffrance, la misère. Nous avons choisi la démocratie, contre exactement la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui. Si nous sommes dans cette situation que nous avons voulu à tout prix éviter, cela veut dire que nous n’atteignons pas encore nos objectifs.
Comme tous les autres systèmes, la démocratie a ses méthode, ses principes, son mode de fonctionnement. Elle a ses exigences. Elle demande de la tolérance, du pluralisme idéologique, le respect des normes, des lois, de la constitution. La démocratie a ses valeurs. Il n’existe pas de démocratie sans État de droits, sans le respect des droits humains. Depuis 1986, le plus grand défi que font face les dirigeants haïtiens, c’est de créer un État de droits. Nous n’avons pas encore cet État de droits tant souhaité. Nous n’avons pas encore cette démocratie tant rêvé.
Privé de ses droits les plus élémentaires, tels que, la nourriture, le logement, l’éducation, la santé, le loisir, le peuple haïtien vivote dans des conditions inhumaines. Les mauvaises conditions de vie de la population sont à la base des différentes émeutes que connait le pays depuis ces 30 dernières années.
Si la population souffrait à l’état latent sous la dictature duvaliériste, durant cette longue période d’apprentissage de la démocratie, elle a changé de fusil d’épaule. Contrairement avant 1986, elle revendique maintenant ses droits, bien qu’ils ne soient jamais respectés.
Loin de connaitre des jours meilleurs, la population patauge dans la misère. Nous avons entamé notre processus de démocratie sans préparation. Certes, le régime dictatorial était essoufflé, mais ce n’était pas une raison pour ne pas planifier le prochain système. Il n’y avait aucune réflexion sur un projet de citoyens, de société, d’école, de famille, d’église en Haïti. L’église, la famille, l’école sont des lieux de socialisation. La transition était mal faite. La bonne marche de la démocratie exige tout un processus de socialisation.
Les partis politiques devraient être le lieu par excellence de l’apprentissage de la démocratie. Les partis ne font jamais d’élections. Ils sont très faibles. « Sans des partis forts, des citoyens bien éduqués, on ne peut pas avoir une démocratie fonctionnelle », a fait savoir Ené Val, lors de la retransmission de l’émission Haïti débat du vendredi 5 avril 2019.
Un pays, nous dit le politologue Val, ne peut pas fonctionner seulement dans la gestion du conjoncturel, il faut agir sur le structurel. Il faut de la planification. Depuis après 1804, nous avons perdu beaucoup de nos valeurs. Nous avons perdu le sens de l’union, la solidarité, du consensus. Nous ne font que lutter pour le pouvoir. Nous sommes dans une logique de l’accaparement de tout au détriment de la population. Le peuple est exclu. Nous fonctionnons dans une logique coloniale. Il faut des sacrifices en mettant de côté les intérêts mesquins au profit de ceux de la population.
Mozard Lombard,
Communicateur Social, Journaliste,
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