Scoop édito : Le Car Wash Party témoigne de notre acculturation, mais surtout de l’échec de l’État haïtien prévaricateur
Le phénomène de Car Wash Party a refait surface en Haïti ces dernières semaines. Il est réapparu dans notre milieu à un moment où les grandes célébrations sont interdites partout à travers le monde en raison du coronavirus.
Alors que nos artistes de nos rythmes traditionnels, tels que le compas direct et la racine, sont contraints de performer virtuellement, pour éviter de grands rassemblements dans ce contexte de Covid-19, le Car Wash Party attire la grande foule dans plusieurs coins et recoins du pays. Notre jeunesse a prématurément renoué avec la fête populaire dans l’indifférence la plus totale de la pandémie.
De souche américaine, la culture de Car Wash est reprise en Haïti dans le déni le plus total des consignes des autorités haïtiennes. Née aux États-Unis au 20e siècle, cette nouvelle forme de réjouissances populaires témoigne de notre situation d’acculturation.
À force de consommer les produits culturels américains dans les médias sociaux et traditionnels, nous avons rejeté nos valeurs. Nous avons changé nos traditions, nos mœurs, nos coutumes contre des pratiques américaines. En s’appropriant de la culture étasunienne, nous sommes en passe de perdre toute notre identité. Il ne nous reste presque plus rien de nous. Nous sommes étrangers à nous-mêmes. Nous sommes un peuple aliéné.
Aujourd’hui, nous sommes tout sauf nous-mêmes. Nous échangeons notre moralité contre l’immoralité. Lors d’une célébration de Car Wash réalisée dans l’un de nos quartiers populeux, une jeune fille ivre de joie, déculottée, vêtue d’un T-shirt transparent blanc, trempée de la tête aux pieds avec de la bière, a montré l’intérieur de son vagin en dansant. La vidéo tourne en boucle depuis deux semaines sur les réseaux sociaux.
Livrée à elle-même, la jeunesse haïtienne est déviée. Frustrée et déboussolée, elle s’approprie du Car Wash comme moyen pour exprimer son existence. Notre jeunesse souffre, étouffe dans l’indifférence la plus parfaite de l’État prévaricateur haïtien.
L’État haïtien a failli à sa mission d’éducation, d’encadrement, d’accompagnement de notre jeunesse subversive. Si nos jeunes filles et garçons sont déroutés, notre peuple est acculturé, c’est parce qu’il n’a pas su bien jouer son rôle. Nous avons laissé grandir sauvagement nos adolescents. Si nous n’encadrons pas, n’éduquons pas nos enfants, ils seront un produit étranger. Et de fait, nos progénitures sont comme des étrangers en Haïti dans leur mode de vie.
L’État haïtien manque aux devoirs de sa charge. Il poursuit ses manquements. Une manifestation de Car Wash réunissant plusieurs milliers de fêtards a été brutalement dispersée dimanche dernier à la rue de l’enterrement. Un mort et plusieurs blessés par balles ont été enregistrés, lors de cette dispersion. Les agents de la PNH ont fait cette intervention, alors que des festivités du même genre sont observées presque tous les weekends un peu partout dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince.
Les responsables haïtiens obtiendront-ils gain de cause par la violence sur la frustration de notre jeunesse convertie en célébration à l’américaine en plein cœur de coronavirus ?
Mozard Lombard,
Éditorialiste de la Radio Télé Scoop,
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