Communiqué de presse de l’Organisation des États Américains : L’ancien chef du bureau de l’OEA en Haïti, Ricardo Seitenfus, démonte Luis Almagro
Le communiqué de presse de l’Organisation des États Américains rendu public, lundi, continue d’en faire parler. À côté des acteurs locaux, des figures de l’international ne se retiennent pas de réagir. Ainsi, l’ex Représentant spécial de l’organisation hémisphérique et chef du bureau de l’OEA en Haïti, Ricardo Seitenfus, débriefant ce communiqué, a déballé Luis Almagro.
Il me paraît que le ton est trop élevé et peu diplomatique pour un document officiel, le langage utilisé trop cru, le texte trop long et souvent superficiel. Il prend des raccourcis, procède à des simplifications et il semble ne pas avoir subi les indispensables révisions car rédigé d’une façon rapide et en comité restreint. En plus se dégage de sa lecture une impression de vouloir mettre sur le dos de l’international tous les maux qui accablent l’ancienne Perle des Antilles, a écrit le spécialiste du Mercosur, en relations internationales, en diplomatie brésilienne et en politique extérieure d’Haïti et du Brésil, dans un texte responsif au communiqué de presse de l’actuel Secrétaire général de l’OEA, l’Uruguayen, Luis Almagro.
Loin de moi, poursuit Monsieur Seintenfus, l’idée d’exempter l’international. Par ailleurs, le titre choisi par Arnaud Robert de mon interview de 2010 est justement « Haïti est la preuve de l’échec de l’aide internationale ».
Néanmoins, à la fin de la lecture du communiqué, critique le diplomate de carrière, il nous reste un goût d’inachevé, d’injuste, une impression contradictoire et finalement des propositions peu nombreuses et trop superficielles.
Inachevé, argumente le Brésilien, car l’absence d’analyse sur les dichotomies haïtiennes, sur ses spécificités anthropologiques, sociales et sur le mode de fonctionnement du monde politique. La marque indélébile de toutes les crises de pouvoir en Haïti est l’absence criante du sens du compromis, du dialogue, de la prise en considération des vues et intérêts des adversaires. En fait, il manque à ces luttes de pouvoir son élément central : la politique. Dans « l’énigme haïtienne » et d’autres articles, tous publiés dans Le Nouvelliste, j’ai eu l’occasion d’expliquer ce mode de fonctionnement. M. Almagro ne les a pas lus.
Rédigé à la va-vite et voulant faire tabula rasa de la coopération internationale en Haïti, ajoute Ricardo Seitenfus, dans pa foulée, le communiqué est également injuste. Sans aller plus loin et restant aux actions de l’OEA elle-même en Haïti et ses deux principaux axes (soutien technique et financier à l’ONI et au CEP) le communiqué jette aux orties des décennies d’efforts. Moi-même, en 2010, afin d’empêcher la traite d’enfants au lendemain du séisme, je pris l’initiative de doter les mineurs des camps d’un titre d’identité provisoire.
Pour Monsieur Seitenfus, ce communiqué manque de respect et est injuste vis-à-vis de ces personnalités dont les actions publiques ont été irréprochables, respectueuses et constructives : les Français Jean Raphaël Dufour, Yves Gaudel et Joël Boutroue, les Brésiliens Baena Soares et Igor Kipman, les Chiliens Marcel Young et Cristobal Dupouy, le Britannique John Bevan, le Cubain Ricardo Garcia Nápoles, le Dominicain Ruben Silié, le Tunisien Hédi Annabi, l’Allemand Jens Peter Voss, l’Étasunien Luigi Einaudi et le Trinidadien Colin Granderson, entre autres.
Dans son texte, l’ancien membre de la Commission intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH) souligne une contradiction dans le communiqué de l’actuel Secrétariat général de l’OEA. Après le constat sans appel de l’échec de l’international, a-t-il fait remarquer, le communiqué soutient que sans le Blanc rien n’est possible en Haïti ! Il faut imaginer que cet indispensable apport doit se faire autrement. Comment ?
Mozard Lombard,
Éditorialiste chez Radio Télé Scoop,
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