La femme fatale de Baby Doc
La mystérieuse Véronique Roy est le cerveau du retour inopiné et controversé de Jean-Claude Duvalier à Port-au-Prince. A quoi joue cette compagne très affairée ?
Silhouette fluette et lunettes fumées, elle a surgi sur l’avant-scène le 16 janvier, dans le sillage de l’ex-dictateur haïtien Jean-Claude Duvalier, 59 ans, de retour au pays après un quart de siècle d’exil en France. L’énigmatique Véronique Roy est bien plus que la conjointe et porte-parole de « Baby Doc« . « Sans elle, jamais celui-ci ne serait rentré », tranche l’écrivain américain Bernard Diederich, implacable chroniqueur de la tyrannie duvaliériste. Les proches du revenant reconnaissent l’ascendant qu’exerce sur lui l’ambitieuse Véronique. « Elle a toujours eu envie de jouer un rôle politique », admet Me Sauveur Vaïsse, qui fut l’avocat de François Duvalier, l’ubuesque satrape au pouvoir de 1957 à 1971, puis de son fils Jean-Claude, intronisé à l’âge de 19 ans.
La rencontre date du début de la décennie 1990. Anéanti par un divorce ruineux, l’héritier destitué, établi sur la Côte d’Azur, flirte alors avec l’indigence. Alcool, dépression: Baby Doc n’est plus que l’ombre pathétique du flambeur épris de bolides de luxe et logé dans des villas de rêve. Un épais mystère flotte sur le parcours de sa nouvelle compagne, connue à l’époque sous le nom d’Hermance. Les uns évoquent un passé de styliste familière des monarchies du Golfe; d’autres une carrière de conseillère en relations publiques. Parce qu’elle parle le créole et porte un patronyme fameux à Port-au-Prince, on lui prêtera même des origines haïtiennes, quitte à lui conférer le statut de petite-fille de Paul Eugène Magloire, chef de l’Etat de 1950 à 1956. « Légende, objecte Bernard Diederich. Elle n’a pas une goutte de sang haïtien dans les veines. » De l’aveu d’un avocat fidèle à Jean-Claude, Véronique détient un passeport français.
Une certitude: cette brune avenante et manoeuvrière sait faire preuve de constance. En 1995, lorsque Patrick Budail, gérant de L’Eden bleu, à Mougins (Alpes-Maritimes), porte plainte pour grivèlerie et escroquerie contre Duvalier fils et sa mère, Simone, descendus dans son hôtel sous les noms de M. et Mme Valère, elle apure en deux chèques une partie de l’ardoise. De même, raconte Budail, c’est bien elle qui orchestre ensuite la fuite à la cloche de bois du « couple » impécunieux, bientôt hébergé dans sa famille. Pour l’anecdote, l’hôtelier renonça aux poursuites sur l’injonction de deux agents des Renseignements généraux tricolores. Cinq ans plus tard, après une errance qui le conduit de Puteaux (Hauts-de-Seine), au Claridge, palace parisien des Champs-Elysées, Jean-Claude s’installe place du Costa-Rica (XVIe), dans un deux-pièces acquis, ou loué, par sa partenaire.
Elle plaide la cause de l’ancien « président à vie »
D’emblée, celle-ci chaperonne son compagnon. Elle verrouille l’accès au despote déchu, filtre les demandes d’interviews, voire souffle les réponses. Il lui arriva même de prier en vain un journaliste français de tenir la plume de Jean-Claude, censé rédiger ses Mémoires. « Jamais Mme Roy ne me laissait seul avec lui, raconte Diederich. Après qu’elle eut rompu tout contact, ce pauvre diable téléguidé m’a appelé, embarrassé: »Pardonne-lui, Bernard, elle aime tant Haïti…' »
Amour impérieux et méthodique: voilà des lustres qu’à la faveur de maintes tournées Véronique plaide la cause de l’ancien « président à vie » et collecte des fonds, tant au pays qu’au sein de la diaspora haïtienne de Miami, de New York ou du Canada. En octobre 2006, elle oeuvre au lancement d’une Fondation François-Duvalier, vouée à « honorer la mémoire » du défunt Papa Doc. Preuve que Véronique Roy-Duvalier ne doute de rien.