Le Courrier de Fonds-Rouge (3) – Haïti et la mise à mal de la biopolitique
La paternité du concept biopolitique revient au philosophe français Michel Foucault. Comme tout concept du vaste et très diversifié champ des sciences humaines, il est discuté. De fait. Mais, pour faire court, l’on pourrait dire que la biopolitique renvoie à la politique accordant une grande priorité à la vie. Dans le cas pratique de politique, elle réfère dans un cadre circonscrit – national ou local – à la satisfaction des besoins de la population. Des besoins de base, puis sophistiqués.
Les traces de la biopolitique sont-elles assez exprimées dans le secteur de la santé ? Les marques de la biopolitique sont-elles assez visibles dans le secteur de l’agriculture ? Ses indices, sont-ils facilement repérables dans la politique éducative, dans la fourniture de l’eau potable, de l’électricité ou autres services sociaux de base ?
Si oui, pourquoi l’on va dans hôpital public parce que l’on ne dispose pas de moyens pour acheter le service privé ? Si oui, pourquoi les parents optent davantage pour le collège et non pour le lycée ? Si oui, pourquoi l’étranger, et tout d’abord le Dominicain nous retient par les tripes ? Si oui, pourquoi le pays n’est pas capable d’assurer sa souveraineté alimentaire ? Si oui, comment comprendre les revendications des habitants de Fort-Liberté et de Ouanaminthe ? La menace réelle de famine dans plusieurs communes du département du Nord-Ouest telles Bombardopolis, Anse-Rouge, Baie-de-Henne et Jean-Rabel ? Pareil danger plane sur plusieurs zones de l’île de la Gonâve. Un danger cyclique jamais évacué.
La biopolitique est mise à mal au regard des grèves répétées des syndicats d’enseignants et des conditions d’enseignement mettant en retrait une éducation de qualité. Elle est mise à mal dans les centres hospitaliers sous-équipés où personnels médicaux et parents perdent bêtement la lutte contre la mort.
La biopolitique est mise à mal quand le paysan haïtien est perdu dans les dédales d’une agriculture déconsidérée, une agriculture qui se fait suivant des pratiques archaïques. Anachroniques.
La biopolitique est mise à mal quand on considère les conditions de l’élevage en Haïti. Les « zèl poul, zèl kodenn » viennent de l’autre côté du Bahoruco ou des Etats-Unis. Un élevage assommé de coups mortels par un libéralisme commercial mal décidé. Antinational. Un dumping zombifiant.
La biopolitique est mise à mal quand le pays est devenu une déchetterie pour accueillir tous des produits usagés, le plus souvent inutiles et inutilisables. On vit dans un pays de « pèpè », de « Kennedy ». Le pays des « Odéide », des « pa-pile ».
La biopolitique est mise à mal quand les acteurs politiques ne peuvent plus assumer leur rôle. Bluffent. Rusent. Quand ils se montrent incapables de penser la démocratie, de donner sens à la « raison d’espérer » de la population. Quand ils se montrent davantage pro instabilité.
La biopolitique est mise à mal quand un bandit armé peut s’en prendre à n’importe qui en pleine rue, puis partir en toute tranquillité.
Les traces de la biopolitique sont-elles perceptibles dans la gestion de l’environnement, de l’aménagement du territoire, dans l’organisation du transport en commun ?
La biopolitique, a-t-elle un sens en Haïti ?
Vous avez dit biopolitique ?
Idson Saint-Fleur
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