Le Courrier de Fonds-Rouge # 23: En suivant la formule du ministre Nesmy Manigat
Lundi 11 Juillet 2014.- L’échec ou la faible performance des écoles aux examens officiels met à nue la faiblesse du système éducatif haïtien. Un système nageant dans le « ma debat » malgré les intentions réformistes mais sans ancrage technique, politique et budgétaire de certains ministres.
Ces écoles qui ont eu zéro admis aux examens d’Etat ont obtenu zéro comme moyenne.
Pour une école n’ayant aucune structure appropriée, c’est normal !
Pour une école dont les maîtres sont sous-qualifiés et incompétents, c’est normal !
Pour une école qui est davantage une maison de commerce, c’est normal !
Pour une école n’établissant aucun lien de contrôle avec les parents, c’est normal !
Pour une école ou les arriérés de salaires des enseignants s’étendent sur plusieurs mois, c’est normal !
Pour une école n’imposant aucune discipline de travail aux enseignants et aux élèves, c’est normal !
Pour une école subissant des semaines répétées de grève, c’est normal !
Le zéro admis est lourd de signification. Cette moyenne est partagée par les directeurs, les enseignants, les élèves, les parents, et globalement par toute la société. Ces écoles publiques ou non publiques existent par hasard, recrutent par hasard, fonctionnent par hasard, pourtant assurément elles hypothèquent l’avenir des enfants, participent au gaspillage des économies familiales.
Si ce mécanisme d’évaluation officielle était plus étendu, qu’elle aurait été la moyenne des supposés centres de formation professionnelle, des prétendues universités. Ces lieux où des jeunes viennent perdre du temps pendant que des ambitieux amassent de l’argent.
Pour une évaluation officielle, combien des institutions publiques seraient en dessous de la moyenne ? Combien de ministres, de secrétaires d’Etat, de directeurs généraux, de maires n’auraient pas eu la moyenne ?
Pour une évaluation annuelle régulière, qui de nos politiciens de l’opposition ou du pouvoir aurait une bonne note ? Combien de députés et de sénateurs, combien de juges, de policiers, de médecins, combien de travailleurs de la presse mériteraient la reconnaissance de la société. Combien de qui ? Combien de quoi ?
Combien de nos hommes et de nos femmes d’affaires, de commerçants auraient obtenu zéro parce que leurs produits ne sont pas de qualité, et ce depuis toujours ? Combien de firmes sous contrat avec l’Etat auxquelles on devrait attribuer un gros zéro parce que l’ouvrage livré est une mascarade.
Si l’on se mettait à examiner restaurants, hôpitaux et dispensaires, pharmacies, supermarchés, transport public, industries, l’on se rendrait compte facilement que le pays a raté le virage vers la qualité. Cela fait longtemps. Longtemps depuis que l’on a développé la manie de se bluffer l’un l’autre.
Le patron se moque de l’ouvrier. Le médecin blouse le patient. L’avocat se joue du client. Le pasteur, le prêtre, le houngan mystifient les fidèles. Le politique berce le peuple de vaines promesses. La communauté internationale pigeonne le pays. Le chauffeur et le « bœuf chaine » couillonnent le passager. Le petit commerçant berne l’acheteur. L’école bluffe élèves et parents. Si l’on se met à tout évaluer, vivre en Haïti se révèlera un cauchemar tant le mensonge et la frime sont présents partout.
Avec douze mesures, Nesmy Manigat ambitionne de recadrer l’école haïtienne. Mais s’est-il rendu compte qu’il se donne des taches ambitieuses. Il lui faudra de la force et de la sagacité herculéennes pour réussir. Qui, des autres secteurs de la vie nationale, comme Manigat, pourra lancer un autre défi à la société ?
Idson Saint-Fleur
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