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Actualités - mai 13, 2015

Dans la fièvre électorale, Haïti reçoit François Hollande

La « dette de l’indépendance », 150 millions de francs-or, l’équivalent de 17 milliards d’euros, qu’avait dû payer l’ancienne colonie de Saint-Domingue à la France pour devenir la première république noire, est un sujet sensible en Haïti.

Lors du bicentenaire de l’indépendance d’Haïti, en 2004, l’ancien président Jean-Bertrand Aristide avait relancé l’exigence de « restitution » de cette dette peu avant d’être destitué et contraint à l’exil. A l’occasion de l’inauguration du Mémorial ACTe en Guadeloupe, avant sa visite en Haïti mardi 12 mai, François Hollande a promis de s’acquitter de cette dette. L’espoir suscité en Haïti par cette annonce a été de courte durée.

L’entourage présidentiel s’est vite chargé de préciser qu’il s’agissait d’un engagement moral et non financier. « Hollande prend les Haïtiens pour des stupides », commentait l’influent blogueur politique Jean-Junior Joseph. La rapide visite du président français intervient alors que la confusion règne concernant les prochaines élections. Enjeu d’un bras de fer entre le président Michel Martelly et l’opposition, elles ont longtemps été reportées. Un calendrier à trois tours, 9 août, 25 octobre et 27 décembre, a finalement été annoncé sous la pression de la communauté internationale. Plus de 6 000 mandats sont à pourvoir, du président de la République aux élus locaux en passant par les membres des deux chambres

« Hollande vient conforter Martelly qui ne veut pas des élections et compte des narcotrafiquants dans son entourage », s’indigne Richard Morse. Cet hôtelier, cousin du président haïtien dont il a été conseiller jusqu’en décembre 2012, est devenu l’un des critiques les plus acerbes de la corruption des proches du président.

La visite de M. Hollande a retardé une décision très attendue du conseil électoral sur la candidature au sénat de Sophia Martelly, l’épouse du président. Selon la majorité des commentateurs politiques et des diplomates, il s’agit d’un ballon d’essai et la « première dame » vise la candidature à la présidence. Née à New York de parents haïtiens, elle affirme avoir renoncé à sa nationalité américaine. Les opposants soutiennent que sa double nationalité l’exclue de la compétition. Plusieurs avocats font valoir qu’elle devrait aussi obtenir une décharge de la Cour des comptes car elle a administré des fonds publics. « L’acceptation de la candidature de Sophia Martelly serait un coup fatal à la tradition juridique haïtienne et risquerait de créer une situation chaotique », met en garde Hérold Jean François, le président de l’Association nationale de médias haïtiens.

Pléthore de partis politiques

La pléthore de partis politiques est un autre facteur de confusion : 129 partis ont été enregistrés par le conseil électoral. Plus de la moitié des nouvelles formations ont été créées à la va-vite par des proches de la mouvance Tèt Kale (« tête chauve «, en créole) du président Martelly. « Veut-on vraiment des élections ? » interroge Frantz Duval, l’éditorialiste du quotidien Le Nouvelliste. « L’équipe au pouvoir croit que le surnombre d’entités politiques est une bonne stratégie pour engloutir la démocratie représentative », avance-t-il.

Cette inflation renchérit le coût des élections, largement financées par la communauté internationale. Le conseil électoral affirme ne disposer que d’un peu plus de la moitié des 60 millions de dollars qu’il juge nécessaire pour l’organisation des scrutins. La liste des candidats à la présidence est en voie de dépasser la cinquantaine. « La polarisation de la police et de la justice pourrait déboucher sur des fraudes massives et des violences », craint Pierre Espérance, le directeur du Réseau national de défense des droits humains. « La situation sécuritaire fragile s’est encore dégradée à la suite de la libération scandaleuse et illégale, le 17 avril, des deux chefs présumés du “gang Galil”, proches du pouvoir. »

Selon les témoignages de magistrats et de policiers recueillis par Pierre Espérance, le frère cadet de Sophia Martelly, Charles St-Rémy, surnommé Kiko, est intervenu pour faire libérer Woodly Ethéart et Renel Nelfort, malgré leur implication présumée dans quinze kidnappings et des affaires de narcotrafic. La Mission des Nations unies et les principaux bailleurs de fonds ont manifesté leur « profonde inquiétude » face à ce nouveau scandale. « Depuis le départ de l’ancien premier ministre Laurent Lamothe, Kiko St-Rémy a pris le contrôle des ports et des douanes et de nombreux policiers sont démobilisés et déconcertés face aux dérives mafieuses », déplore Pierre Espérance.

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