Haïti débat/L’État et la mobilisation du vendredi 29 mars à l’occasion du 32 eme anniversaire de la constitution : N’avons-nous pas une mauvaise stratégie de lutte ?
Depuis le début des années de 2000, les grandes dates historiques du pays sont utilisées comme des tremplins politiques. Nous sommes en train d’encourager la perte de la mémoire. Au lieu d’honorer la mémoire de notre passé, nous initions dans notre milieu une culture de l’oubli. Ce vendredi 29 mars 2019, qui devait marquer le 32 eme anniversaire de la constitution de 1987, était annoncé comme un jour de terreur où, pour une énième fois, l’État allait être mis en déroute.
Á force de nous servir des dates mémorables pour réaliser les mouvements, nous sommes en train de sacrifier notre histoire. En insistant sur les mouvements politiques en ces occasions, nous valorisons beaucoup plus les mobilisations que la dimension historique de ces journées. Nous avons une mauvaise stratégie de lutte.
Les luttes politiques en Haïti, de 1986 à nos jours, sont toujours menées contre un individu. Nous avons fait une lutte en 1986 contre Jean Claude Duvalier. Nous en avons mené une autre en 2004 contre Jean Bertrand Aristide. Aujourd’hui, nous sommes en train de combattre Jovenel Moise.
Nous n’avons pas une culture politique démocratique. Nous ne sommes pas tolérants. Nous ne croyons pas au consensus ni au dialogue. Après 1986, il y a une détérioration de l’État. Le pays frôle l’anarchie. La violence s’impose. Ce qui prévaut, c’est l’impunité totale. Il n’y a pas de coercition. L’État peut-il exister sans les mesures de coercition ? Ces constats posent le problème de l’autorité de l’État. Nous avons un État irresponsable.
Nous constatons aussi aujourd’hui la dégradation des conditions de vie de la population. Les droits fondamentaux des citoyens ne sont pas respectés. C’est regrettable que nous avons un État depuis 1804 qui n’arrive jusqu’à date à améliorer les conditions de vie de la population. « L’État doit servir son peuple. Je prône le principe de la responsabilité partagée », a fait valoir, Ené Val, lors de la retransmission de l’émission Haïti débat du vendredi 29 mars 2019.
« Aujourd’hui, le pays n’a pas été bloqué, mais cela ne veut pas dire pour autant que le président ne doit pas être efficace. Je crois qu’il est nécessaire d’avoir le plus vite que possible un PM qui peut discuter avec tous les secteurs de la vie nationale », recommande le politologue, avant d’ajouter que la démocratie n’exige pas à un président de boucler son mandat, tout comme de perdre le pouvoir. Le président a pour mission d’améliorer les conditions de vie de la population.
Il faut dire que, depuis son existence, l’État haïtien n’investit pas dans les citoyens. Nous avons laissé depuis longtemps toute la latitude à une oligarchie de profiter de la richesse du pays. Elle jouisse de tous les privilèges. Elle n’offre aucune possibilité aux pauvres de s’émerger. Le fait d’insister sur les mouvements de « pays lock », cela traduit le disfonctionnement du pays. Un pays peut-il fonctionner en étant bloqué ?
Nous ne sommes conscients de rien. La destruction de la production nationale nous est indifférente. On achète tous à l’étranger. « Ce que nous ne pouvons pas faire aujourd’hui, nous l’avons fait, il y a 32 ans. Je trouve qu’il est juste de trouver un consensus », exhorte Présimon Jean, soulignant que les seuls acteurs que je vois qui nous poussent au consensus, ce sont les protagonistes de l’étranger. « Nous avons perdu le sens de la honte. Nous ne pouvons pas trouver un consensus à partir de nous-mêmes », s’indigne le journaliste politique de la Radio Scoop.
Mozard Lombard,
Communicateur, Journaliste,
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