Les coups bas en politique haïtienne !
Par Garry Pierre Paul Charles
J’ai vu sur les réseaux sociaux tourner en boucle encore et encore, l’interview d’une dame âgée, questionnée par un individu qui n’était pas journaliste… Il s’agissait de la mère d’un des conseillers du président Moïse, je veux parler du Dr Guichard Doré.
Cette vidéo, choquante et criarde, mettait à nu la pauvreté abjecte de cette granmoun, vêtue d’un ample “moumou” trop grand pour elle, se réclamant vendeuse de charbon, une cuvette rouge déchirée sous le bras, un chapeau de paille à demi défilé visé sur la tête, armée d’un bâton et d’un demi gallon d’huile vide bouché d’un “bougon” de maïs, les pieds nus et poussiéreux, toute fierté bue, quémandant quelques gourdes et tenant visiblement des propos décousus… Elle était l’image même de la misère… dans tous ses états !
Et je me suis dit, en tant que journaliste, que je me devais de converser avec Doré pour comprendre la part de vérité de ce que j’avais visionné.
Le cœur meurtri, bouleversé par cette vision avilissante, Guichard Doré, avec des sanglots dans la voix, me révéla que Emène Dormelus, sa mère, était bien la personne que j’avais vu. Son cas relevait du domaine psychiatrique puiqu’elle avait perdu la tête depuis plus de 40 ans. Élevé par sa grand-mère, Doré m’a appris que sa génitrice n’avait jamais pu lui fournir l’assistance maternelle, affective et émotionnelle nécessaire. Toute jeune, Mme Dormelus, âgée aujourd’hui de 67 ans, se trouvait internée à l’Hôpital Albert Sweitzer. Et malgré tous les traitements, son cas n’a jamais eu d’amélioration. Et Guichard de me dire: “ c’est un problème immense pour la famille. Toute notre vie, nous avons du faire des efforts et d’énormes sacrifices. Cette situation est une croix que nous portons à vie tel le Christ sur le mont Golgotha. Ma mère a un comportement incohérent et ses propos sont décousus et insensés”.
Il continue : “J’envoie de l’argent constamment à la famille pour qu’on puisse prendre soin d’elle. Et à Verettes, tout le monde est au courant puisque les gens de la zone vivent telle une grande famille et la surveillent, en principe, à tout instant. Il est vraiment malheureux qu’elle ait déjoué leur attention et, comme conséquence horrible, nous avons aujourd’hui cet épisode malheureux et regrettable que nous tous ignorions et dont je dois subir aujourd’hui les conséquences. La politique, telle que pratiquée en Haïti, est une bataille terrible et sanglante à mort et j’ai été attaqué dans mon tréfonds familial à travers ma mère démente. Même quand j’étudiais en Europe, ce spectre m’a toujours poursuivi à chaque seconde de ma vie. C’est une tragédie interne que je vis constamment et journellement et qui m’accompagne à tous les carrefours de ma vie. Je me demande pourquoi descendre aussi bas et pourquoi exploiter la maladie de ma pauvre mère pour m’attaquer… Ma grand-mère, décédée à 94 ans, m’avait demandé de continuer à me meubler l’esprit puisque c’était ma seule porte de sortie de Verettes et de la paysannerie.”
Aujourd’hui, le conseiller Guichard Doré a 49 ans et depuis sa plus tendre enfance n’a jamais connu l’affection d’une mère. Fils unique, il vit douloureusement et dans sa chair cette tragédie maternelle en cherchant tous les jours une solution idoine. Ce coup de poignard de cette semaine, lancé exprès et méchamment pour faire mal, il l’a reçu en pleine poitrine et en est sorti étourdi, abasourdi et n’y comprenant rien. Cette maladie psychiatrique de sa mère, il l’a vécue comme un choc psychologique et moral. Problème moral et insoluble l’entraînant dans une solitude interne et de profondes réflexions toutes ces années.
Mélancolique, parfois, à cause de son vécu et de son parcours, Guichard Doré est politique et en vit; mais il n’a pas encore suffisamment endurci son corps aux coups bas, sans foi ni loi, pernicieux et méchants, terribles et mortels de cette faune haïtienne qui ne respecte rien… Cependant Doré doit également savoir que si ce Gouvernement, qu’il a porté sur les fonds baptismaux et pour lequel il se bat corps et âme, avec Tet Kale et le PHTK, donnait de bons résultats, pareil comportement ne serait certainement pas de mise.
Intellectuel de haut niveau, féru de belles lettres, Guichard Doré doit finalement se rendre à l’évidence: cette politicaillerie à l’haïtienne où la canaille et la veulerie ont droit de citer n’est peut-être pas de son acabit.
A bon entendeur : salut !