Le 6 décembre dernier, vous avez succédé à George Arnauld à la tête de l’Union des femmes de la Martinique. Est-ce un changement dans la continuité ?
RITA BONHEUR, PRÉSIDENTE DE L’UFM. Lors du congrès auquel vous faites allusion, nous avons défini des axes importants. Faire en sorte que nos idées soient partagées par le plus grand nombre en est un. Il s’agit de développer des partenariats avec la société civile. Cependant, notre axe prioritaire est la jeunesse, parce que c’est fondamental que les jeunes soient imprégnés de cette culture d’égalité, de respect et de dignité pour les femmes. Ce n’est pas gagné. On se rend bien compte que même au niveau des jeunes, il existe des phénomènes de violence. Les clichés que l’on croyait dépassés sont encore véhiculés, notamment par des clips. Nous avons également un axe « citoyenneté » . C’est un point fort. Nous interpellons les municipalités, et plus largement les collectivités, sur la prise en compte des besoins et des attentes des femmes dans les politiques menées. Du reste, pour ces Régionales, nous avons adressé une lettre ouverte aux têtes de listes pour leur demander ce qu’ils comptent mettre en oeuvre dans ce domaine. Il faut que le bien-être de la société, et des femmes, soit dans leur programme en transversal et non sous forme d’une subvention versée à une association qui s’occupe de la condition des femmes!
Vous êtes membre de l’UFM depuis 25 ans. Les évolutions n’ont pas manqué sur cette période. Comment se porte la condition féminine en 2010 ?
Cette année est très importante pour nous puisque nous célébrons un triple anniversaire : les 100 ans de la Journée internationale de lutte et de revendication des femmes, les 40 ans du Mouvement de libération des femmes et les 10 ans de la Marche mondiale des femmes. Bien entendu, en 25 ans, il y a eu des avancées, mais la situation des femmes reste très critique sur beaucoup de plans. Cette Journée a tout son sens. C’est plus qu’un symbole, parce qu’il est encore nécessaire de se mobiliser, de revendiquer, pour faire avancer les choses. C’est une journée militante et qui doit le rester, tant que les femmes ne seront pas libres et les égales des hommes. Dans le monde du travail par exemple, les femmes sont toujours majoritaires parmi les chômeurs, parmi les emplois à temps partiel, et elles continuent de gagner moins que les hommes (environ 24%). Si l’on s’intéresse au champ politique, on se rend compte que malgré la loi sur la parité les femmes sont souvent conseillères municipales mais rarement adjointes, et qu’on leur réserve des domaines comme la petite enfance, les soins, les personnes âgées, c’est-à-dire des domaines qui leur sont soi-disant dévolus.
Autant de combats qu’il reste aux femmes à mener ?
Les combats sont à mener des deux côtés. S’il n’y avait pas eu la parité, je crois qu’on en serait encore à l’âge de pierre. Mais à l’analyse, on voit bien que la parité s’arrête là où s’arrête la loi. On ne fait pas plus. On fait parce que la loi le demande. Donc, c’est cet aspect « obligatoire » qui a permis aux choses d’avancer. Or, si les lieux de décision ne sont pas investis par les femmes, en termes statistiques mais aussi pour qu’elles apportent leurs vécus, leurs préoccupations, et que cela transforme les politiques, on ne progressera pas.
La lutte pour l’amélioration de la condition des femmes n’est-elle pas trop souvent réduite à la lutte contre les violences faites aux femmes ?
La situation dans ce domaine est encore très critique. On sait qu’il y a 24 femmes qui ont été tuées en 10 ans. L’an dernier, on a reçu et/ou eu au téléphone plus de 4 000 femmes à l’espace d’écoute. Depuis 2000, cela occupe 80% de notre temps. Donc, la violence envers les femmes n’est pas un épiphénomène. Il y a encore beaucoup à faire en termes de prévention. On a beaucoup d’espoir dans le projet de loi qui est discuté en ce moment. Par ailleurs, on a mis en place un partenariat avec plusieurs associations (voir encadré) pour tout ce qui concerne « Femmes et santé-sexualité » , de même que pour les femmes migrantes qui subissent une double violence : la violence conjugale et le chantage aux papiers. Il y a encore énormément de chantiers, mais nous ne voulons pas les porter seuls, nous souhaitons que de plus en plus de personnes s’en emparent et soient des vecteurs du changement.
Y a-t-il une vie en dehors de l’UFM ?
Être membre de l’UFM, c’est quand même le reflet d’un choix de vie, qui est de lutter contre tout ce qui est discrimination, inégalités, et pas seulement pour les femmes. C’est un choix politique avant tout. Donc, on le reste 24 heures sur 24! Néanmoins, en dehors de cette sphère, je suis une citadine qui aime jardiner. Cela me détend, me permet d’évacuer le stress et je crois que c’est important d’être près de la nature pour se ressourcer et repartir au combat.
Franceantille.fr
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